Une clause des conditions générales de vente ne peut pas restreindre le devoir de conseil d’un prestataire informatique portant une obligation essentielle
Il est tentant, pour un professionnel rédigeant ses conditions générales de vente, de chercher à limiter sa responsabilité dans l’hypothèse où surviendraient d’éventuelles difficultés avec un client. La cour d’appel de Paris vient cependant d’apporter une limite à cette pratique dans un arrêt du 16 octobre 2015 (CA Paris, 16 octobre 2015, n°13/06759).
Dans cette affaire, l’exploitant d’un hôtel de luxe avait confié à un prestataire le soin de concevoir et de réaliser une évolution de son site Internet destinée à permettre à tout client de réserver et de payer en ligne une chambre.
Le bon de commande prévoyait ainsi l’intégration au site Internet de l’hôtel d’un logiciel de réservation et de paiement. Plus particulièrement, il était prévu un engagement du prestataire d’assurer un « paiement sécurisé » et un « cryptage SSL« .
Ces mentions sont au cœur du litige : l’exploitant de l’hôtel considérait que la prestation convenue comprenait l’interconnexion du logiciel au serveur de sa banque afin de permettre un paiement automatisé des clients en ligne ; le prestataire estimait au contraire ne s’être engagé qu’à permettre le transfert des coordonnées bancaires des clients sur le serveur de l’hôtel, à charge pour ce dernier de les retransmettre ensuite à sa banque.
Le prestataire considérait, à cet égard, qu’il n’avait pas été informé de la nécessité d’interconnecter le site avec le serveur de la banque alors même qu’une clause des conditions générales de vente annexées au bon de commande imposait à l’exploitant de l’hôtel de l’informer de ses besoins spécifiques.
Cette ligne de défense est rejetée par la cour d’appel de Paris qui considère que le prestataire était débiteur envers son client d’un devoir de conseil qui lui imposait, non seulement de l’informer des limites de sa prestation, mais également de se renseigner sur ses besoins.
Les juges parisiens considèrent, à cet égard, que la clause des conditions générales du prestataire « n’entend pas restreindre le domaine du devoir de conseil de la société […] mais a uniquement pour objet de limiter sa garantie de conformité concernant les besoins spécifiques du client à ceux qui auront été formulés expressément au plus tard à la signature du bon de commande« .
Ils relèvent de surcroît que l’interconnexion du système de paiement avec le serveur de la banque de l’exploitant de l’hôtel revêtait un caractère déterminant puisque la conclusion du contrat était motivée par la modernisation de son site internet.
La Cour d’appel conclut donc à un manquement du prestataire à son obligation de délivrance conforme et prononce de ce fait la résolution du contrat.
Auteur
Vincent Lorieul, avocat en droit de la concurrence et de la distribution