Transmission d’entreprise : importantes précisions de l’administration fiscale
Le Bulletin officiel des finances publiques-impôts a apporté d’utiles précisions au régime des donations de titres de sociétés.
Les modalités de liquidation des droits de donation sont complexes, notamment quand la transmission porte sur des titres de sociétés. Dans certaines situations, si les conditions du régime Dutreil sont réunies et que la donation est effectuée en pleine propriété par un donateur âgé de moins de 70 ans, la transmission bénéficie d’un double effet fiscal favorable :
- La réduction d’assiette des droits de 75% : pour une entreprise éligible qui vaut 100, l’assiette de taxation est de 25 (article 787 B CGI) ;
- Une fois les droits de donation calculés sur cette assiette réduite, ces droits sont réduits de moitié (article 790 I du CGI). L’administration fiscale a mis à jour, le 15 mai dernier, sa doctrine en ligne afin d’apporter des précisions concernant l’application de la réduction de droits de donation de 50% dont bénéficient, sous certaines conditions, les transmissions d’entreprises en pleine propriété soumises au régime d’exonération Dutreil (BOI-ENR-DMTG-20-30-20-50- 20140515 n°35 à 45).
Deux précisions sont favorables au contribuable :
- Premièrement, l’administration fiscale indique les modalités de calcul des droits de donation en présence de transmissions « mixtes », comportant à la fois des biens en pleine propriété et des biens démembrés. L’administration accepte d’appliquer prioritairement les abattements et les tranches basses du barème fiscal sur les biens démembrés, qui ne bénéficient pas de la réduction de 50%. Ce mode de calcul permet d’optimiser l’avantage résultant de la réduction sur les biens transmis en pleine propriété. En effet, les biens transmis en pleine propriété étant taxés dans les tranches les plus hautes (jusqu’à 45% pour les transmissions entre parent et enfants), la réduction de 50% des droits joue sur un montant de droits plus importants. L’administration confirme ainsi la position qu’elle avait jadis retenue dans une ancienne instruction.
- Deuxièmement, l’administration affirme clairement que la réduction de droits est applicable aux transmissions de sociétés holdings interposées, c’est-à-dire le cas où la société opérationnelle éligible est détenue de manière indirecte par l’associé personne physique via une holding passive. Dans son ancien commentaire, l’administration indiquait que dès lors que les conditions du régime Dutreil étaient réunies, il y a lieu d’appliquer la réduction de droits « pour les transmissions qu’elles soient directes ou indirectes ». Même si le terme indirect était maladroit, la seule interprétation cohérente à notre avis était de considérer qu’elle visait les donations de titres de société holding. Cependant, certains auteurs avaient émis des doutes sur cette interprétation. L’administration fiscale tranche donc le débat et profite de l’occasion pour introduire une règle de prorata similaire à celle prévue pour l’application de l’abattement d’assiette de 75% : seuls les droits correspondant à la fraction de la valeur de la holding représentative de sa participation dans la société opérationnelle peuvent bénéficier de la réduction de 50%. Pour autant, dans son exemple, l’administration oublie de calculer les droits de donation sur la fraction de la valeur de la holding ne profitant pas de la réduction. De ce fait, elle ne se prononce pas sur les modalités d’application du barème : doit-on l’appliquer en priorité sur la partie ne bénéficiant pas de la réduction ? La réponse devrait être positive si l’on suit la logique retenue pour les donations « mixtes ».
De manière moins favorable, l’administration précise que la réduction de droits de 50% ne bénéficie pas aux transmissions simultanées de la nue-propriété à un premier donataire et de l’usufruit des mêmes titres à un second donataire, en considérant qu’il ne s’agit pas, dans ce cas, d’une donation de titres « en pleine propriété ». Cette solution est regrettable car, en pratique, il arrive souvent que le parent souhaite donner l’usufruit à son enfant et la nue-propriété à ses petits-enfants. Ces modalités de transfert qui entraînent un dessaisissement total du donateur qui ne garde plus aucun droit sur les biens donnés devraient être encouragées sur le plan fiscal comme elles le sont par le droit civil qui favorise les « sauts de génération ».
Auteurs
Sylvie Lerond, avocat, responsable du Département Droit du patrimoine.
Grégory Dumont, avocat en matière de Droit du patrimoine
Article paru dans LeRevenu.Com le 10 juin 2014