La soumission conventionnelle au statut des baux commerciaux : exigence d’une rédaction claire
Un bailleur avait consenti en 2006 un renouvellement de bail de bureaux à une mutuelle, laquelle avait par la suite donné congé à effet du 31 mars 2012 par lettre recommandée.
Le bailleur demandait l’annulation du congé en soutenant que les parties avaient soumis conventionnellement leur contrat au statut des baux commerciaux, et que l’article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ne pouvait s’appliquer qu’à un contrat de location d’un local affecté à un usage exclusivement professionnel, et donc affecté à l’exercice d’une activité lucrative.
L’arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2016 (Cass. 3e civ., 20 octobre 2016, n°15-20.285) rendu dans cette affaire est doublement intéressant.
En premier lieu, la Cour de cassation y clarifie les conditions d’extension conventionnelle du statut des baux commerciaux : en effet, après avoir rappelé que les parties peuvent soumettre conventionnellement leur bail au statut des baux commerciaux si elles en manifestent la volonté univoque, elle ajoute que la qualification de « bail commercial » et la simple référence aux articles du Code de commerce ne suffisent pas à faire échec au statut d’ordre public plus protecteur de l’article 57 A et à manifester la volonté de se placer conventionnellement sous le statut des baux commerciaux ; cela ne serait possible qu’en présence d’une renonciation non équivoque du preneur à ce statut. La Haute juridiction fait donc preuve d’une particulière exigence, voire sévérité, à ce propos.
Contrairement à ce que l’on serait enclin à penser de prime abord, cette solution énoncée à propos d’une situation antérieure à l’entrée en vigueur du nouvel alinéa 7 de l’article L.145-2 I du Code de commerce (issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008) conserve toute sa portée depuis l’entrée en vigueur de ce dernier texte aux termes duquel « par dérogation à l’article 57 A [les dispositions relatives au statut des baux commerciaux s’appliquent] aux baux d’un local affecté à un usage exclusivement professionnel si les parties ont conventionnellement adopté ce régime ». La manifestation d’une volonté claire et non équivoque de se soumettre au statut des baux commerciaux, et d’écarter ce faisant l’application de l’article 57 A précité, est plus que jamais nécessaire.
Il est donc indispensable en pareil cas de s’attacher à rédiger en préambule du contrat un développement précisant qu’alors qu’aucun statut ne serait applicable au contrat, ou que le statut des baux professionnels serait applicable, les parties conviennent néanmoins de soumettre le bail à toutes les dispositions du statut des baux commerciaux. L’efficacité ultérieure de ce choix est à ce prix.
En second lieu, à l’occasion de cette affaire, la Cour de cassation précise la notion de bail professionnel en énonçant que les dispositions d’ordre public de l’article 57 A précité sont applicables au bail des locaux à usage de bureaux pour les besoins de l’activité professionnelle du preneur, le caractère lucratif ou non de ladite activité étant indifférent.
Auteur
Jean-Luc Tixier, avocat associé en droit immobilier et droit public