Saisir l’opportunité du regain des introductions en bourse
Saisir l’opportunité du regain des introductions en bourse, tel est le credo des pouvoirs publics.
A l’heure de la promotion des sources de financement alternatives au crédit bancaire (crowdfunding ; libéralisation des valeurs mobilières), s’interroger sur l’attractivité de notre corpus français d’encadrement de ces opérations et en adapter les dispositions s’impose.
A cet égard, le rapport sur les introductions en bourse issu des travaux du groupe de travail AMF publié le 25 septembre 2014 va incontestablement dans le bon sens.
Les études préalables révèlent paradoxalement un cadre français compétitif mais, comme souvent, certains frottements avec les règles prévalant sur d’autres places de référence concurrentes pourraient être utilement supprimés. Donner la possibilité aux analystes des banques du syndicat d’accéder aux informations en amont de la publication du document de base y contribuerait. En ce qu’il permet d’offrir moins de prise à la volatilité des marchés par le raccourcissement du calendrier d’opération qu’il entraine, cet alignement sur la pratique la plus répandue en Europe serait bienvenu. L’intégrité du marché serait préservée par l’accès des autres analystes (hors syndicat) dès la publication du document enregistré puis, dans la note d’information, par la mention des informations privilégiées, le cas échéant, communiquées.
Sur le fond, la plus emblématique proposition porte sur la langue d’établissement du prospectus d’introduction et la possibilité, pour les émetteurs étrangers mais aussi français, de recourir à la langue anglaise en cas d’offre au public de titres financiers, sous réserve de l’établissement d’un résumé en français. Un tabou est enfin levé. Tabou car l’on sait que la loi Toubon ne constituait pas un obstacle dirimant et que l’utilisation de la langue anglaise comme langue de référence des affaires appelle, dans un contexte fortement concurrentiel, à offrir aux émetteurs la liberté de choix de la langue de leur documentation d’introduction. L’obligation d’un résumé en français nous apparait comme répondant avec discernement aux exigences juridiques préexistantes tout autant qu’à la logique de protection-information des investisseurs retail français. On souhaitera toutefois que, aussi légitimes qu’elles soient, les préconisations (caractère international du contexte de l’opération et de l’environnement de l’émetteur ; absence de volonté de développer un bassin retail) ne soient pas des conditions d’accès à cette liberté mais de simples orientations, appelées donc à figurer dans une recommandation et non une position AMF.
Deux autres propositions destinées à préserver l’accès des particuliers à ces opérations retiendront en outre notre attention : le maintien de l’obligation de prévoir une tranche à destination des investisseurs particuliers (tranche retail) et la possibilité d’ouvrir la révocabilité des ordres dans l’offre à prix ouvert destinée aux particuliers. La Place de Paris n’a pas exprimé d’hostilité au maintien de la singularité que constitue la tranche retail obligatoire, étant rappelé que l’obligation qui pèse sur le prestataire chef de file n’est qu’une obligation de moyen, d’une part, et qu’une composante retail peut contribuer à la stabilité capitalistique de l’émetteur, d’autre part. Le risque de «sélection adverse» observé lors de récentes introductions de sociétés jeunes devrait, à notre avis, faire l’objet d’un développement circonstancié dans la rubrique «risques» du prospectus d’introduction soumis à visa. S’agissant des ordres passés via Internet par les investisseurs particuliers, leur révocabilité devrait pertinemment se substituer à l’irrévocabilité actuelle fondée sur des process anciens. Si cette proposition d’avancée ne met pas totalement fin au traitement différencié des ordres des particuliers à raison du mode de passation des ordres, elle mérite approbation en ce qu’elle inciterait les souscriptions des particuliers, bienvenues dans le contexte actuel de redirection de l’épargne des ménages vers le financement de l’économie.
Enfin, l’assouplissement de la fourchette indicative de prix s’impose à la lumière des deux dernières années si l’on souhaite promouvoir l’introduction de sociétés jeunes et/ou innovantes. Face à une concurrence européenne alignée sur un droit communautaire n’exigeant qu’un prix maximum ou des critères de détermination du prix d’introduction, le dispositif français se doit d’autoriser une fourchette plus large pour espérer doper l’attractivité de la Place. Dans cet esprit, la proposition originale d’une indication d’un prix maximum dans le prospectus visé assortie de la publication d’une fourchette élargie à +/- 15% autour d’un prix pivot faite au plus tard trois jours de négociation avant la clôture de l’offre doit être soutenue.
Consensuelles et aisées à mettre en œuvre (les adaptations ne concernent que le corpus réglementaire et infra-réglementaire de l’AMF), les conclusions du rapport précité devraient sans surprise fortement inspirer la réforme à venir. Dans un contexte de globalisation des échanges commerciaux et des investissements, il existe une impérieuse nécessité d’éliminer toute règle nationale singulière au niveau international et qui ne serait pas compensée par un bénéfice égal ou supérieur, notamment en termes de protection de l’investisseur particulier ou d’amélioration du processus de formation du prix d’introduction.
Auteur
Bruno Zabala, avocat au sein du département de la doctrine juridique.
Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 1er décembre 2014