Rupture des relations commerciales établies : efficacité de la clause compromissoire mais nullité de la clause attributive de compétence interne
Dans un arrêt signalé comme important, la Cour de cassation répond simultanément à deux questions, parce qu’étaient en cause deux sociétés (appartenant à un même groupe), toutes deux assignées par une troisième invoquant une rupture de relations commerciales établies. Deux sociétés, mais aussi deux contrats dont l’un contenait une clause compromissoire et l’autre une clause attributive de juridiction interne (Cass. com., 1er mars 2017, n°15-22.675).
S’agissant de la clause compromissoire, la Cour de cassation reprend une solution déjà énoncée (Cass. 1re civ., 8 juillet 2010, n°09-67.013). La société victime de la rupture avait prétendu contourner la compétence de l’arbitre en arguant, devant un tribunal étatique, que des dispositions impératives – celles figurant dans l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce – étaient en jeu. L’argument est aisément écarté en s’appuyant sur une motivation classique tirée du principe « compétence-compétence » : il appartient à l’arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence. Donc, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage, le juge étatique doit se déclarer incompétent. Ce qui avait été le cas en l’espèce. Aussi, la Cour de cassation énonce-t-elle que la Cour d’appel avait « justement énoncé que l’arbitrage n’était pas exclu du seul fait que les dispositions impératives de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce étaient applicables ».
C’est à propos de la seconde clause que l’arrêt est plus novateur. La Cour d’appel, à partir d’une argumentation peu claire, avait jugé que le tribunal de commerce de Paris, saisi par la société victime, devait se déclarer incompétent au motif de l’existence d’une clause attributive de compétence au tribunal de Créteil. Le raisonnement est censuré au visa des articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce.
Selon la Haute juridiction, « les dispositions du premier texte attribuant le pouvoir juridictionnel, pour les litiges relatifs à son application, aux juridictions désignées par le second ne peuvent être mises en échec par une clause attributive de juridiction ». C’est la première fois qu’est ainsi affirmé le caractère exclusif de la compétence dévolue par les textes à certaines juridictions (françaises) spécialisées. Les cours d’appel avaient donné jusqu’alors des réponses divergentes. La solution s’impose sans difficulté. Pour préserver la spécialisation juridictionnelle, il faut nécessairement décider que les règles sont ici impératives et qu’il ne peut y être dérogé en attribuant compétence à une autre juridiction française.
On comprend du même coup que cette conclusion est parfaitement cohérente avec l’autre volet de l’édifice jurisprudentiel, qui donne efficacité à des clauses compromissoires ou des clauses attributives de compétence internationale. Dans ces deux dernières configurations, la construction voulue par le législateur français n’est pas remise en cause.
Auteur
Arnaud Reygrobellet, Avocat of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre