Rubik’s cube : un casse-tête pour le droit des marques de l’Union européenne
Pour certains déposants, la tentation est grande de rechercher, sur le fondement du droit des marques, une forme de protection alternative ou un prolongement de protection, lorsque le mode de protection le plus adéquat a expiré.
Telle a probablement été l’intention de la société Seven Towns Ltd lorsqu’elle a déposé, en 1999, une demande de marque communautaire tridimensionnelle portant sur la forme du jouet Rubik’s Cube pour désigner des « puzzles en trois dimensions », alors que le brevet hongrois protégeant l’invention de Monsieur Rubik était tombé dans le domaine public.
Probablement gêné par ce dépôt, un concurrent allemand, la société Simba Toys, a recherché l’annulation de la marque devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Il estimait à cet égard que la forme qui avait fait l’objet du dépôt portait en réalité sur la capacité de rotation du jouet, solution technique relevant du droit des brevets.
La division d’annulation ainsi que la chambre de recours de l’EUIPO ayant tour à tour rejeté cette demande, la société Simba Toys a alors formé un recours en annulation de la décision de l’EUIPO, devant le Tribunal de l’Union européenne.
Ce recours a toutefois été rejeté, le Tribunal retenant que la forme tridimensionnelle du Rubik’s Cube, telle que déposée, ne comportait aucune fonction technique faisant obstacle à la protection à titre de marque (TUE, 25 novembre 2014, T-450/09,Simba Toys c/ OHMI – seven Towns).
La persévérante demanderesse a donc formulé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne qui lui donne finalement gain de cause, sur le fondement de l’article 7 du règlement 40/94 du 20 décembre 1994 (alors applicable) qui prévoit que sont refusés à l’enregistrement « les signes constitués exclusivement […] par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ». La Cour relève que les caractéristiques essentielles de la forme cubique en cause devaient être appréciées au regard de la fonction technique du produit que cette forme représente. Il incombait ainsi au Tribunal de prendre en considération « des éléments non visibles sur la représentation graphique de cette forme, tels que la capacité de rotation des composants individuels d’un puzzle à trois dimensions » et de définir « la fonction technique du produit concerné » (CJUE, 10 novembre 2016, C-30/15).
Cette décision rappelle ainsi que la protection à titre de marque tridimensionnelle répond à des conditions précises et qu’elle ne saurait être comprise comme un moyen de prolonger artificiellement une protection à titre de brevet parvenue à échéance.
Auteur
Sabine Rigaud, avocat, droit de la propriété intellectuelle