Révélations jurisprudentielles sur une société secrète : la société en participation
La société en participation : voilà une société qui est dispensée de nombreuses contraintes juridiques et qui peut s’enorgueillir de certaines faveurs fiscales. Cette société n’est pas immatriculée au Registre du commerce et des sociétés et est librement organisée par les associés. Elle n’a donc pas de personnalité juridique. Il s’ensuit qu’elle est dépourvue de patrimoine et de dénomination sociale.
Parce qu’elle est marquée du sceau de la discrétion découlant de son absence de personnalité morale, la société en participation est largement utilisée dans la vie des affaires. L’usage qui est fait de cette forme de société varie en fonction de la stratégie choisie, bien que celui-ci soit souvent ponctuel. Il peut s’agir de mettre en place un pool bancaire, une coopération commerciale ou encore, au sein d’une même société, d’harmoniser les comportements de plusieurs associés.
Mais voilà que depuis quelques mois, cette société occupe une place de choix dans les chroniques. L’attrait de la société en participation est en effet résumé, par tous, à la discrétion qui caractérise sa constitution et son fonctionnement. De récents contentieux l’ont toutefois extraite, pour un temps, du silence qui la caractérise habituellement.
Ces contentieux ont successivement concerné le statut de l’associé (1), celui de la direction de la société (2), celui de l’employeur (3) et enfin les droits de la société face à l’impôt (4).
Révélations sur l’associé…
La question inédite de la possibilité pour un associé d’une société en participation de céder ses parts à un tiers a été posée à la Cour de cassation. L’une des parties au litige estimait que cette possibilité devait lui être refusée dans la mesure où la société en participation est une société qui n’a pas de patrimoine. Ce défaut de patrimoine est en effet la conséquence de l’absence de personnalité morale. Dans un arrêt du 15 mai 2012 (Cass. corn. N°545 F-D), la Cour de cassation a néanmoins jugé que ce défaut de patrimoine n’empêchait pas l’associé d’une société en participation de céder ses parts.
Révélations sur la responsabilité du dirigeant…
Un arrêt récent a, par ailleurs, contribuéà éclaircir la question de la responsabilité du dirigeant.Cet arrêt, rendu le 4 février 2014 (Cass.Corn n°165F-P+B), a facilité la mise en oeuvre de la responsabilité personnelle de celui-ci. En principe, le dirigeant d’une société ne peut voir sa responsabilité engagée par un tiers qu’en cas de faute d’une particulière gravité. L’arrêt du 4 février a écarté l’application de cette règle pour la société en participation : son dirigeant peut donc être poursuivi par un tiers pour une simple faute.
Révélations sur l’identité de l’employeur…
Un autre arrêt, rendu le 30 avril 2014 (Cass. Soc. N°811 FS-D), s’est prononcé sur la possibilité pour le dirigeant d’une société en participation de mettre à la retraite un salarié. Le salarié faisait là encore valoir que le dirigeant ne pouvait disposer d’une telle prérogative dans la mesure où la société en participation n’a pas de personnalité juridique. L’argument est rejeté : le dirigeant a bien le pouvoir de mettre fin au contrat de travail d’un salarié, malgré le défaut de personnalité juridique de la société, puisqu’il dispose d’un mandat commun délivré par tous les associés.
Révélations sur une personnalité fiscale de la société…
C’est enfin le régime de la société en participation elle-même qui a été l’objet de précisions. Celle-ci peut, si les associés en émettent le souhait, opter pour [‘assujettissement à l’impôt sur les sociétés. La question suivante s’est alors posée : étant dépourvue de personnalité juridique, la société en participation ne peut pas agir en justice. Lui était-il néanmoins possible de contester l’impôt mis à sa charge devant le juge fiscal ? Saisi de la question, le Conseil d’Etat a, par un arrêt du 28 mars dernier (CE 9/10 SSR n°339119), adopté une solution qui tranche avec la solution traditionnelle : une société en participation est recevable à contester devant le juge de l’impôt l’imposition mise à sa charge.
Ces récentes révélations complètent donc le régime juridique de la société en participation, succincte-ment élaboré par les textes. Elles permettent d’en affiner les contours, ce qui n’est pas neutre, s’agissant d’une société dont l’utilisation peut s’avérer stratégique dans les montages. Il n’est en effet pas souhaitable que le secret qui caractérise son utilisa¬tion soit mis à mal par un régime juridique trop peu abouti.
Auteur
Christophe Lefaillet, avocat associé spécialisé en droit des sociétés et en droit boursier
Article paru dans le magazine Option Droit & Affaires le 18 juin 2014