Retour sur la rigueur de la sanction en présence d’un empiètement en sous-sol
La jurisprudence en matière d’empiètement en sous-sol est relativement foisonnante, et constante. Un arrêt récent (Cass 3e civ., 11 février 2015, n°13-26.023) conforte le principe selon lequel la défense d’une propriété ne peut jamais dégénérer en abus.
En pratique, la question, et la réponse judiciaire qui y est apportée, sont importantes car les situations d’empiètement sont fréquentes en milieu urbain, par la voie notamment des empiètements par voie d’ancrage (tirants) ou de confortement d’une construction dans le sous-sol de la propriété voisine.
Or il ne fait pas de doute qu’un empiètement peut concerner le sous-sol d’un fonds, dès lors qu’aux termes de l’article 552 du Code civil, la propriété du sol emporte celle du dessous (Cass 3e civ., 3 février 1982). Le fondement de cette jurisprudence réside dans le fait qu’il n’existe pas d’expropriation de droit privé, réserve faite de la cession forcée de mitoyenneté.
Par ailleurs, cet empiètement, même en sous-sol, nuit nécessairement au propriétaire du fonds concerné. Celui-ci peut donc en demander réparation.
En matière d’empiètement, le propriétaire se voit reconnaître un droit absolu à demander la remise en état de son bien : le juge n’a donc d’autre choix que de déférer à cette demande, sans que d’une part l’auteur de l’empiètement puisse prétendre endosser la qualité de constructeur de bonne foi au sens de l’article 555 du Code civil et que d’autre part il y ait possibilité de procéder à une balance des intérêts en cause. Ainsi, même dans le cas où le retrait de tirants serait susceptible de créer de graves désordres, il n’est pas possible de procéder par équivalent à une indemnisation : l’ouvrage doit être détruit, si tel est le souhait du propriétaire lésé (Cass 3e civ., 23 mars 1999, n°97-16.974 ; Cass 3e civ., 10 novembre 2009, n°08-17.526).
Rappelons aussi que :
- le caractère important ou minime de l’empiètement est indifférent. Ainsi, un empiètement de 4 cm ne saurait être jugé insignifiant, et doit être réparé (Cass 3e civ., 13 novembre 2002, n°00-12.267) ;
- le propriétaire victime de l’empiètement n’a pas à démontrer qu’il subit un préjudice effectif (Cass 3e civ., 23 mars 1999, précité) ;
- il importe peu que la construction ait été édifiée conformément au permis de construire obtenu (Cass 3e civ., 8 novembre 1978, n°77-13.563) ;
- cette action possède un caractère imprescriptible (Cass 3e civ., 11 février 2015, précité).
L’auteur de l’empiètement s’expose donc irrémédiablement à une démolition de la partie de l’ouvrage empiétant sur la parcelle voisine, quel que soit le coût de celle-ci, et ce même si sa construction est de ce fait rendue impropre à sa destination.
Cette position rigoriste est source d’interrogations ; l’on peut en effet objectivement déplorer le caractère extrêmement automatique de la jurisprudence actuelle (existence d’un empiètement = démolition), là où le juge pourrait utilement évaluer le préjudice réel et tenir compte de la bonne foi ou non de l’auteur des travaux. Des solutions alternatives à la démolition pourraient objectivement être trouvées selon les cas d’espèce, par exemple en prescrivant le transfert de la propriété empiétée, ou en décidant le versement d’indemnités d’occupation au propriétaire dont le tréfonds est occupé, comme cela se pratique notamment en Allemagne.
Auteur
Jean-Luc Tixier, avocat associé en droit immobilier, baux & construction, droit public