Réseaux de franchise : l’instance de dialogue a vu le jour !
24 août 2017
Introduite par amendement au cours de l’examen du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (loi n°2016-1088 du 8 août 2016), la disposition initiale prévoyait, outre la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise, une mesure de la représentativité syndicale et la possibilité de négocier des accords collectifs à ce niveau.
Ce projet de texte a suscité une vive polémique et provoqué une importante campagne de mobilisation des professionnels qui y ont vu une remise en cause du principe d’indépendance entre franchiseur et franchisé. S’en est suivi une modification du texte et la suppression de certaines des dispositions particulièrement contestées. Reste que si ses prérogatives ont été sensiblement réduites, l’article 64 de la loi du 8 août 2016 prévoit la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise d’au moins 300 salariés demeure.
Déclaré conforme à la Constitution (Cons. constit., n°2016-736 DC, 4 août 2016), ce dispositif est entré en vigueur après la publication, le 6 mai dernier, du décret nécessaire à son application (n°2017-773 du 4 mai 2017).
La mise en place de l’instance de dialogue social
La mise en place de l’instance de dialogue social commune à l’ensemble du réseau, comprenant des représentants des franchiseurs et des franchisés et présidée par le franchiseur, suppose que les entreprises du réseau réunissent les trois conditions suivantes :
- être liées par un contrat de franchise comportant des clauses ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées ;
- comporter au moins trois cents salariés en France ;
- avoir fait l’objet d’une demande émanant d’une organisation syndicale représentative dans la branche ou ayant constitué une section syndicale dans une entreprise du réseau.
Lorsque ces conditions sont réunies, l’instance de dialogue social est en principe mise en place par accord mais le franchiseur n’est tenu d’engager la négociation que s’il a été saisi d’une demande à cet effet par tout syndicat représentatif dans la branche (ou l’une des branches) dont relèvent les entreprises du réseau ou ayant constitué une section syndicale dans une entreprise du réseau. A défaut d’accord, les modalités de mise en place de l’instance sont définies par le décret du 4 mai 2017.
La mise en place en application d’un accord
Lorsqu’une demande de négociation a été notifiée au franchiseur, celui-ci doit, si les conditions sont réunies, solliciter les organisations syndicales de branche représentatives ainsi que les entreprises franchisées employant au moins un salarié, dans les deux mois suivants la notification de la demande, en vue de la mise en place d’un groupe de négociation composé de représentants des organisations syndicales représentatives et de représentants du franchiseur et des entreprises du réseau. La négociation s’engage alors dans le mois qui suit la date de cette sollicitation.
Le contenu de l’accord porte sur la composition de l’instance, le mode de désignation de ses membres, la durée de leur mandat, la fréquence des réunions, le nombre et les modalités d’utilisation des heures octroyées aux représentants pour l’exercice de leurs missions, les dépenses de fonctionnement de l’instance ainsi que la prise en charge des frais de séjour et de déplacement.
La validité de l’accord conclu obéit à des conditions particulières. En effet, pour être valable, cet accord doit être signé d’une part, par le franchiseur et par des entreprises franchisées représentant au moins 30% des entreprises du réseau employant au moins 30% des salariés, d’autre part, par des organisations syndicales représentatives au niveau de la branche (ou des branches) ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives à ce niveau. En outre, il ne doit pas avoir fait l’objet d’une opposition des organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives dans un délai de huit jours à compter de sa signature. L’accord doit ensuite être déposé dans les conditions de droit commun auprès de la Direccte. Le franchiseur doit alors procéder à la convocation de l’instance dans les deux mois de ce dépôt.
Des dispositions supplétives à défaut d’accord
Lorsque les parties ne sont pas parvenues à un accord à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la première réunion du groupe de négociation, le franchiseur établit un constat de désaccord, sauf si la majorité des membres du groupe, dont un représentant du franchiseur, demande la prolongation de la négociation. Ce constat est transmis à tous les membres du groupe de négociation par tout moyen.
Les dispositions réglementaires déterminent alors le nombre de représentants des employeurs et des salariés à cette instance, les modalités de désignation et la durée du mandat ainsi que les moyens matériels et financiers mis à leur disposition pour l’exercice de leurs missions (prise en charge des frais de séjour et de déplacement par le franchiseur ; rémunération du temps passé aux réunions de l’instance comme du temps de travail effectif,…). La convocation de l’instance doit alors avoir lieu dans les deux mois suivant l’établissement du constat de désaccord.
Le contentieux de l’instance de dialogue
Qu’il s’agisse de sa mise en place ou de son fonctionnement, le contentieux de l’instance de dialogue est dévolu au tribunal d’instance, saisi par voie de déclaration au greffe, qui statue en dernier ressort. Les contestations sont enfermées dans un délai très court (15 jours) dont le point de départ varie selon leur objet, sauf pour la contestation relative au défaut de constitution du groupe de négociation malgré une demande régulière qui peut être engagée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la demande de négociations. Le tribunal d’instance statue alors dans les 30 jours de sa saisine et la légalité de sa décision peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.
En revanche, à défaut de mention expresse dans les textes, il semble exclu que les manquements relatifs à l’instance de dialogue puissent donner lieu à des poursuites pénales à l’égard du franchiseur pour délit d’entrave.
Les attributions de l’instance de dialogue
L’instance de dialogue ne se substitue pas aux instances de représentation du personnel susceptibles d’exister dans chacune des entreprises qui composent le réseau et bénéficie de prérogatives spécifiques prévues par la loi. Pour l’essentiel , cette instance a essentiellement pour rôle d’être informée sur les décisions du franchiseur susceptibles d’affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés, ainsi que sur les entreprises entrées dans le réseau ou l’ayant quitté. En outre, elle formule, à son initiative, et examine, à la demande du franchiseur ou de représentants des franchisés, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés dans l’ensemble du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire.
Si le rôle et les pouvoirs de l’instance de dialogue ont été considérablement édulcorés par rapport à ce que prévoyait le projet de loi initial, les critiques à l’égard de ce dispositif hybride -composé de représentants des employeurs et des salariés- qui crée un lien direct entre les salariés des franchisés et le franchiseur, n’ont pas cessé pour autant.
Ainsi, bien que le Conseil constitutionnel ait décidé que la création d’une instance de dialogue dans les réseaux de franchise ne portait pas atteinte à la liberté d’entreprendre du franchiseur et des franchisés, nombreux sont ceux qui considèrent que ces dispositions sont susceptibles de freiner à terme le développement d’un modèle économique jusqu’alors en expansion et l’on peut dès lors regretter que le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures pour le renforcement du dialogue social n’ait pas prévu de revenir sur ce dispositif.
Auteur
Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du Responsable de la doctrine sociale
Réseaux de franchise : l’instance de dialogue a vu le jour ! – Article paru dans Les Echos Business le 16 août 2017
A lire également
Loi El Khomri : l’instance de dialogue et de représentation au sein des rése... 26 octobre 2016 | CMS FL
Mise en place du « flex office » : les bonnes questions à se poser... 5 juillet 2021 | Pascaline Neymond
Loueurs en meublé non résidents : le point sur les prélèvements sociaux et l... 16 décembre 2021 | Pascaline Neymond
Nouvelle convention collective de la métallurgie : une grille unique de classif... 25 avril 2022 | Pascaline Neymond
Une visite de reprise est-elle possible sans reprise effective du travail ? Le c... 17 juillet 2018 | CMS FL
Le CSE à l’heure des renouvellements 27 avril 2022 | Pascaline Neymond
Le projet de licenciement d’un membre du CSE n’est pas soumis à la consulta... 16 mars 2022 | Pascaline Neymond
Mise en place d’un PSE au niveau de l’UES : après celles du Conseil d’Eta... 21 novembre 2022 | Pascaline Neymond
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente