Règlement Prospectus : quels changements pour la rédaction des facteurs de risque ?
En cas d’offre au public ou d’admission aux négociations sur un marché règlementé de valeurs mobilières, de nouvelles règles vont s’appliquer prochainement pour la rédaction du prospectus. Le règlement Prospectus n°2017/1129 du 14 juin 2017 apporte en effet des modifications au régime actuel et, parmi les plus notables, celles portant sur les facteurs de risque seront particulièrement contraignantes pour les émetteurs, ce que l’on peut regretter. Elles entreront en vigueur pour les prospectus visés à compter du 21 juillet 2019.
La description des facteurs de risque est depuis longtemps une section importante du prospectus. Destinés à mettre en évidence les risques liés à l’émetteur et aux valeurs mobilières, ils sont une information utile pour l’investisseur, ce que le règlement Prospectus veut renforcer. Ils permettent aussi, par leur exhaustivité, à l’émetteur de limiter sa responsabilité, ce que le nouveau texte semble trouver moins légitime.
Pour la rédaction des facteurs de risque, le règlement Prospectus s’articule autour des principes suivants :
- spécificité. Le prospectus ne devra plus contenir de facteurs de risque généraux et génériques, mais devra se limiter aux risques « importants et spécifiques à l’émetteur et à ses valeurs mobilières ». D’une part, on peut légitimement s’interroger sur le devenir de facteurs de risque tels que celui lié à la volatilité des marchés ou au caractère approprié de l’investissement pour les investisseurs. De tels facteurs de risque, bien que généraux, ont pourtant le mérite d’attirer l’attention des investisseurs sur des risques réels. D’autre part, les facteurs de risque devront être adaptés par chaque émetteur à sa situation propre.
- importance. L’émetteur sera tenu d’évaluer « l’importance des facteurs de risque en fonction de la probabilité de les voir se matérialiser et de l’ampleur estimée de leur impact négatif ». Cette évaluation pourra être explicitée ou non dans le prospectus, le cas échéant en recourant à une échelle qualitative précisant si le risque est faible, moyen ou élevé ;
- impact. Le prospectus devra décrire de manière adéquate l’éventuel impact de chaque risque sur l’émetteur ou les valeurs mobilières. On notera qu’en France, l’AMF s’efforçait déjà d’exiger qu’une conclusion précise soit apportée à chaque facteur de risque ;
- catégories limitées. Les facteurs de risque devront être présentés dans un nombre limité de catégories, en fonction de leur nature ;
- hiérarchisation. Au sein de chaque catégorie, et en fonction de l’évaluation qu’il aura effectuée, l’émetteur devra classer les facteurs de risque par ordre de probabilité d’occurrence et de matérialité, les plus importants devant être mentionnés en premier. Ce travail de hiérarchisation sera complexe pour l’émetteur, la probabilité d’occurrence et l’impact d’un risque étant par nature incertains. Surtout, un tel classement pourra être source d’une responsabilité accrue de l’émetteur, notamment si se matérialise a posteriori un risque que l’émetteur avait considéré a priori comme faible lors de la rédaction du prospectus.
Si un résumé est inclus dans le prospectus (un résumé est obligatoire pour la plupart des prospectus de titres de capital et pour les prospectus de titres de créance d’une valeur nominale inférieure à 100 000 euros), seuls quinze facteurs de risque pourront figurer dans le résumé. Cette limite arbitraire, qui ne tient compte ni de la spécificité d’un émetteur ni de celle des valeurs mobilières, crée un nouveau degré de complexité pour l’émetteur, qui a pourtant déjà dû sélectionner dans son prospectus les seuls facteurs de risque « importants ».
Le règlement Prospectus habilite la Commission européenne à adopter des actes délégués en vue de préciser les différents critères applicables pour apprécier la spécificité et l’importance des facteurs de risque. L’Autorité Européenne des Marchés Financiers (ESMA) publiera également des orientations sur la présentation des facteurs de risque par les émetteurs et leur revue par les autorités compétentes.
Force est de constater que les nouvelles règles relatives aux facteurs de risque semblent bien loin de l’objectif affiché du règlement Prospectus de simplification pour les émetteurs, avec un bénéfice pour les investisseurs qui laisse aujourd’hui assez sceptique. Il faut espérer que les actes délégués et les « guidelines » de l’ESMA en permettront une application souple. L’expérience récente n’incite pourtant pas à l’optimisme.
Auteurs
Marc-Etienne Sébire, avocat associé, responsable marchés de capitaux
Yaël Fitoussi, avocat, marchés de capitaux