Règlement prospectus : marché obligataire wholesale et facteurs de risques au centre des interrogations
La proposition de règlement communautaire «Prospectus» est-elle cohérente avec les objectifs du plan d’Union des Marchés de Capitaux («UMC») ? A cette heure, la réponse n’est pas encore positive mais le travail d’amélioration du texte doit se poursuivre. L’abaissement effectif des coûts d’accès à ce mode de financement est un élément clé de la réussite de cet ambitieux plan.
Pour mémoire, ce projet de texte vise à une harmonisation poussée des dispositions de la directive «Prospectus» 2003/73/CE révisée en vue de faciliter l’accès des émetteurs au financement par les marchés tout en garantissant aux investisseurs un niveau élevé de protection. A cet égard, l’instauration de régimes d’information allégée pour les émissions secondaires et d’information spécifique pour les PME, la création d’un document d’enregistrement universel (inspiré du modèle français du document de référence) pour les émetteurs fréquents sur les marchés réglementés et les systèmes multilatéraux ou encore l’augmentation à 20% du seuil de dilution pour l’exemption de prospectus en cas d’admission contribueront utilement à réaliser ces objectifs.
Nous formulerons ici quelques pistes de progrès et d’amendement qui seraient bienvenus.
S’agissant du périmètre des offres soumises à obligation d’établissement d’un prospectus, la proposition d’une option ouverte aux Etats membres d’exempter de prospectus les offres nationales dont le montant n’excèderait pas 10 millions d’euros pose une difficulté de principe. Autant l’on peut comprendre qu’une certaine souplesse soit octroyée afin, par exemple, de tenir compte de niveaux différents de culture financière au sein de l’Union ou de la taille variable des marchés nationaux, autant la fragmentation des marchés qu’elle accentue est totalement inopportune. La décision d’option par un Etat membre facilite certes l’accès à son marché national mais ôte symétriquement une protection aux investisseurs et fragilise la cohérence et l’attractivité de l’ensemble du marché européen. De surcroît, on pensait que ce type de distorsion de concurrence entre Etats membres était révolu. Cette exemption présente à notre avis plus d’inconvénients que le maigre allègement de coûts évalué (100 prospectus sortiraient ainsi du périmètre) et devrait donc être supprimée.
Plus encore, la suppression d’un régime dual (wholesale/retail) pour les titres autres que de capital cotés sur un marché réglementé nous paraît emporter des conséquences fâcheuses. Elle est conjuguée à la suppression de l’exemption pour les offres de titres autres que de capital dont la valeur nominale unitaire est supérieure à 100 000 euros. Ces deux mesures contredisent les finalités adoptées dans le plan notamment l’allègement des coûts de financement. Au motif d’accroître la liquidité de ces titres et d’élargir la base d’investisseurs notamment retail, le projet de texte est de nature à empêcher les émetteurs de saisir toutes les fenêtres d’émission et de leur ôter la pleine maîtrise du choix des détenteurs de leur dette obligataire. Ils pourront néanmoins continuer à utiliser l’exemption ouverte aux offres d’un montant supérieur à 100 000 euros par personne ou le placement privé auprès d’investisseurs qualifiés.
Une autre disposition doit à notre avis être amendée au regard des conséquences excessives qu’elle entrainerait. Elle prévoit d’imposer dans le prospectus la présentation des seuls risques spécifiques à l’émetteur et aux valeurs offertes, en hiérarchisant ces facteurs en trois catégories au maximum par combinaison de deux critères : la probabilité de survenance du risque et l’ampleur prévue de l’incidence négative du risque. Si l’on peut approuver le principe d’une hiérarchisation des facteurs de risques qui va dans le sens d’une amélioration de la qualité de l’information donnée aux investisseurs, les critères choisis suscitent notre désaccord : ils aboutiraient à une extension excessive de la responsabilité de l’émetteur et de ses dirigeants sans réel bénéfice pour l’investisseur. L’appréciation est ainsi particulièrement complexe et sujette à discussion s’agissant de risques dont la probabilité de survenance est faible mais dont les conséquences négatives sont très importantes en cas de réalisation de ce risque, par exemple climatique. Une telle information sera en outre peu pérenne du fait de l’évolution combinée de ces critères.
Nous proposons en conséquence de substituer à la proposition actuelle une présentation hiérarchisée des facteurs de risque par catégories, en fonction de leur nature et de leurs caractéristiques.
Enfin plus généralement, le renvoi de contenu trop imprécis à des actes délégués devra être corrigé, a fortiori s’agissant de l’élaboration d’un règlement européen.
Auteur
Bruno Zabala, avocat counsel au sein du département de la doctrine juridique.