Réforme des participations sur les salaires
La participation-construction, la participation à la formation-continue et la taxe d’apprentissage font l’objet de simplifications. D’autres ajustements, dont une limitation des dépenses libératoires, méritent également l’attention.
I. La suppression des « déclarations fiscales » et le contexte général
Parmi les mesures d’intérêt pour les fiscalistes des entreprises soumises à ces participations figure :
- la suppression de la déclaration n°2080 pour la participation-construction dès cette année (avec un alourdissement corrélatif dans le cadre de la DADS), qui résulte du décret n°2014-277 du 28 février 2014,
- la suppression de la déclaration n°2483 pour la participation à la formation-continue, en principe dès l’année prochaine, suppression que la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 laisse à un décret à paraître le soin d’organiser.
Par ailleurs, la tendance est au regroupement des différents organismes collecteurs. Le principe, pour les OCTA, OPCA, OPACIF, est de tendre vers un seul organisme collecteur par région et quelques rares organismes nationaux (rapport AN n°1754, tome I, p. 298, publié dans le cadre de l’adoption de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale). L’échelon régional correspond d’ailleurs à la compétence accrue donnée aux régions en matière de formation.
Pour les entreprises redevables, le principe qui ne connaît aujourd’hui quasiment plus aucune exception est le suivant : les versements sont à adresser à l’organisme collecteur :
- avant le 31 décembre de l’année pour la participation-construction,
- avant le 1er mars de l’année pour la participation à la formation-continue et la taxe d’apprentissage.
Mais d’autres points saillants des dernières réformes sont à considérer.
II. Taxe d’apprentissage : nouvelles modalités pour les rémunérations versées à compter de l’année 2014
On sait déjà que la taxe d’apprentissage qui sera due en 2015 s’élèvera à 0,68 % des rémunérations versées en 2014.
Ce nouveau taux de 0,68%, applicable à compter de 2015, ne reflète pas une hausse mais l’addition des actuels taux de 0,50% correspondant à la taxe d’apprentissage et de 0,18% correspondant à la contribution au développement de l’apprentissage, pour ne former qu’une seule contribution. En Alsace-Moselle, le taux de 0,68% sera réduit à 0,44% car la taxe d’apprentissage y est traditionnellement due à un taux plus faible.
Le principal changement concerne les dépenses libératoires de la taxe d’apprentissage, qui se réduisent sans disparaitre. L’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013 avait fixé un cadre qui a été invalidé par le Conseil constitutionnel. C’est en définitive la loi de finances rectificative discutée en conseil des ministres le 11 juin qui viendra fixer le nouveau cadre (en complément de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 qui indique la répartition et encadre les dépenses libératoires).
On sait déjà que pour les rémunérations versées à compter de l’année 2014 :
- Les entreprises pourront, comme, par le passé, se libérer de la part « hors quota » de la taxe d’apprentissage par des dépenses libératoires, à condition toutefois d’avoir correctement rempli leurs obligations au titre du quota ;
- Les entreprises devraient obligatoirement réserver 77% de la taxe d’apprentissage au développement de l’apprentissage par deux contributions : une contribution « régionale » égale à 56% de la taxe d’apprentissage, et une contribution de 21% de la taxe d’apprentissage au titre du financement des CFA et sections d’apprentissage (l’entreprise devra indiquer à l’organisme collecteur les centres dans lequels ses apprentis sont inscrits car les concours financiers doivent être apportés en priorité à ces centres) ;
- Les entreprises devraient pouvoir se libérer des 23% de la taxe d’apprentissage restante par des dépenses libératoires « hors quota » passant nécessairement par des concours financiers versés à l’organisme collecteur (à charge pour l’organisme de réaliser les dépenses libératoires demandées par l’entreprise).
Il faut également rappeler que les entreprises d’au moins 250 salariés continueront de devoir occuper au minimum 4% de personnes sous contrat d’apprentissage ou assimilé (professionnalisation, VIE ou CIFRE), sous peine de devoir régler la contribution supplémentaire à l’apprentissage dont le taux (fixé entre 0,05% et 0,60% des rémunérations de l’année précédente) est dégressif en fonction des efforts en faveur de l’apprentissage (CGI art. 230 H). Si elles dépassent ce seuil, elles pourraient prétendre, en lieu et place du bonus, à une « réduction d’impôt » imputable uniquement sur la fraction de 23% de la taxe d’apprentissage qui peut donner lieu à des dépenses libératoires.
En pratique, les entreprises devront verser avant le 1er mars 2015 à l’organisme collecteur la taxe d’apprentissage au nouveau taux unique de 0,68% des rémunérations 2014 et, le cas échéant (seulement pour les entreprises d’au moins 250 salariés qui ne respectent pas les efforts prévus en faveur de l’apprentissage) la contribution supplémentaire à l’apprentissage.
III. Participation à la formation continue : nouvelles modalités pour les rémunérations versées à compter de l’année 2015
La réforme de la participation à la formation continue qui résulte de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 a été présentée comme la plus importante depuis la loi du 16 juillet 1971.
La réforme a consisté à rendre le financement de la formation plus simple, en limitant les obligations à un concours financier unique, allégé pour les gros contributeurs. Corollaire logique, la possibilité d’effectuer des dépenses libératoires de la formation continue a été fortement réduite.
Ainsi pour les rémunérations versées à compter de 2015, les entreprises d’au moins 10 salariés devront verser à l’organisme collecteur une participation représentant 1% des rémunérations de l’année précédente sans pouvoir faire état de dépenses libératoires (sauf, comme on va le voir, dans la limite des 0,2% correspondant au compte personnel de formation en cas de financement dans le cadre d’un accord d’entreprise sur 3 ans). Pour les rémunérations versées en 2014, la participation, restera une dernière fois fixée aux taux actuels, allant jusqu’à 1,6%, avec en contrepartie la possibilité de faire valoir les dépenses libératoires exposées par l’entreprise.
Les entreprises de moins de 10 salariés resteront soumises au régime actuel, soit une participation réduite à 0,55% des rémunérations versées.
Outre cette simplification, l’un des principaux apports de la loi est de faire entrer en vigueur, à compter du 1er janvier 2015, le compte personnel de formation (CPF), créé par la loi n°2014-504 du 14 juin 2013, qui remplacera le droit individuel de formation (DIF).
Le CPF sera conservé par le salarié tout au long de sa vie professionnelle, même en cas de démission ou de changement d’employeur. Sa gestion sera confiée à l’organisme collecteur, et le salarié pourra s’en servir au moment qu’il jugera le plus opportun dans sa vie professionnelle, sans avoir à obtenir l’accord de l’entreprise. Il sera crédité de 24 heures par année de travail à temps complet, jusqu’à atteindre 120 heures, puis de 12 heures par année supplémentaire, jusqu’à atteindre 150 heures. Les concepteurs de la loi présentent ce plafond comme un plancher, en considérant les possibilités d’abondement qui pourront compléter les 150 heures (abondement volontaire du salarié, de l’employeur ou de l’organisme collecteur par exemple). L’employeur pourra être tenu de créditer le CPF du salarié de 100 heures supplémentaires, s’il n’a pas respecté une nouvelle obligation prévue par la loi, celle de tenir – et restranscrire par écrit – un entretien professionnel tous les deux ans avec le salarié pour apprécier l’évolution des compétences et la progression professionnelle.
L’article L6331-10 du Code du travail (version à venir au 1er janvier 2015) dispose qu’un accord d’entreprise, conclu pour une durée de trois ans, peut prévoir que l’employeur consacre au moins 0,2% du montant des rémunérations versées pendant chacune des années couvertes par l’accord au financement du compte personnel de formation de ses salariés et à son abondement. Il est prévu que dans ce cas, la participation de l’employeur à la formation continue est réduite de 1% à 0,8%.
Auteur
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale.
Article paru dans le magazine Option Finance le 30 juin 2014