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Réforme fiscale internationale : des Piliers Un et Deux bientôt opérationnels

Réforme fiscale internationale : des Piliers Un et Deux bientôt opérationnels

Le « Cadre Inclusif » du « Forum Mondial » a mis à jour le 8 octobre 2021 sa déclaration relative à la solution à deux piliers portant réponse aux « défis soulevés par la numérisation de l’économie ». Annoncée dans la déclaration du 1er juillet dernier, cette nouvelle version procède aux derniers arbitrages, levant les derniers obstacles différant jusqu’alors la survenance du processus final de concertation en 2022 et de mise en place en 2023 des accords qui permettront sa mise en œuvre.

Dans un projet tel celui répondant aux « défis soulevés par la numérisation de l’économie », un moment arrive où sa mise en œuvre devient irréversible. Il en a sans doute été ainsi le 8 octobre dernier, lorsque le Cadre Inclusif (incluant au 1er novembre 141 membres, outre tous ceux du G20, une majorité d’Etats en développement) du Forum Mondial sur la transparence et l’échange à des fins fiscales, créé en 2009 sous la double impulsion de l’OCDE et du G20 a procédé aux derniers arbitrages d’une « solution à deux piliers » répondant à ce défi.

Présentée par ses auteurs comme une solution qui apporterait les changements les plus importants aux règles fiscales depuis plus d’un siècle, cette solution est annoncée comme devant s’appliquer dès 2023, après sa négociation et son déploiement dans les 14 mois restants, selon un calendrier devenu détaillé. Dans le contexte des budgets prévisionnels qui structurent la planification fiscale des entreprises multinationales (EMN), c’est donc la fiscalité de demain, pour ne pas dire celle d’aujourd’hui, que cette déclaration du 8 octobre précise.

Moins de 10 années se seront ainsi écoulées depuis qu’auront été initiées les réponses à deux constats, tenant d’une part à la difficulté d’imposer les bénéfices des EMN dans les pays où elles ne sont physiquement pas présentes, et d’autre part à celle concevant cette imposition comme limitée aux bénéfices de source nationale, qu’une politique de taux d’imposition faibles cherchait inefficacement à attirer.

  1. Le Pilier Un

On sait qu’au premier constat répond le Pilier Un, accordant un droit d’imposition aux juridictions de marché. Concevoir ce droit d’imposer a impliqué d’en définir, itérativement, le périmètre et les règles déterminant les bénéfices imposés. Ce périmètre, la déclaration du 8 octobre dernier confirme que, selon la déclaration du 1er juillet, il comprend un large champ d’activités, dont ne demeurent exclues que les industries extractives et les services financiers. Sont également confirmés les seuils à partir desquels les EMN deviennent sujettes à ce droit d’imposition, de chiffres d’affaires (20 milliards d’euros, et son possible abaissement ultérieur à 10 milliards d’euros) et de rentabilité (10% du ratio bénéfices avant impôt / chiffre d’affaires) : sur ce dernier point, la déclaration du 8 octobre ajoute qu’elle est « calculée en utilisant un mécanisme de moyenne ».

Autre précision, concernant le montant (« Montant A ») des bénéfices d’assiette attribués aux juridictions de marché : la fourchette initiale de 20 à 30 % du bénéfice résiduel laisse place à un taux fixe de 25 %, au contraire des règles (« nexus ») liant ce bénéfice à chaque juridiction, demeurant inchangées.

Cette même constance conduit également la déclaration du 8 octobre à reprendre tel quel le mécanisme (« Montant B ») standardisant la rémunération des distributeurs, à confirmer le mécanisme de prévention et de règlement des différends constituant la troisième composante du Pilier Un, ainsi qu’à préciser les situations où, en cas de différents entre une EMN et certains pays en développement, il revêtira un caractère facultatif.

Enfin, nouvelle étape dans l’avancement des travaux afférents au Pilier Un, la déclaration du 8 octobre définit les détails d’une convention multilatérale à conclure en 2022, dédiée à l’application du Montant A et à la suppression, en contrepartie, de toutes taxes sur services numériques, dont la déclaration empêche en tout état de cause la création à compter du 8 octobre 2021. La déclaration précise en particulier que la CML :

  • « contiendra les règles nécessaires pour calculer et attribuer le Montant A et éliminer la double imposition,
  • décrira le processus d’administration simplifié, le processus d’échange de renseignements et les mécanismes obligatoires et contraignants de prévention et de règlement des différends entre toutes les juridictions, avec l’allocation appropriée pour les juridictions pour lesquelles un système facultatif pour le mécanisme contraignant de règlement des différends s’applique concernant les questions liées au Montant A, garantissant ainsi cohérence et certitude dans l’application du Montant A ….
  • …. tout en offrant une sécurité juridique quant aux aspects afférents au Montant A.
  • sera complétée par une note explicative qui décrit l’objectif et le fonctionnement des règles, ainsi que les procédures.
  1. Le Pilier Deux

Au second constat, d’une insuffisance des impositions locales, répond le Pilier Deux, présenté comme créant un nouvel impôt minimum mondial de 15% dû par les EMN dans l’Etat de leur siège. Confirmant sa structure générale tripartite (comportant une Règle d’Inclusion du Revenu (RDIR) des filiales et établissements stables insuffisamment imposé localement, une Règle, subsidiaire, relative aux Paiements Insuffisamment Imposés (RPII)), et, enfin, une Règle d’Assujettissement à l’Impôt autorisant le prélèvement d’un impôt supplémentaire sur certains paiements insuffisamment taxés), la déclaration du 8 octobre finalise les taux de la RDIR et de la RPII (15% n’est plus un taux minimum, mais devient leur taux de référence). La déclaration précise en outre les situations de non application de la RPII pendant 5 ans aux EMN situées dans la phase initiale de leur activité internationale (concernant les EMN ayant au maximum de 50 millions d’euros d’actifs corporels à l’étranger et n’opérant pas dans plus de 5 autres juridictions), et gèle à 9 % le taux minimum de la RAI (jusqu’alors projeté entre 7,5 % et 9 %).

Enfin, l’assiette des impositions correspondant aux règles GloBE demeure constituée par le bénéfice consolidé de l’EMN. A cet égard, la déclaration du 8 octobre modifie et précise les règles issues des travaux précédents.

En premier lieu, la déclaration confirme les exceptions fondées sur des critères de substance et reposant sur une formule qui excluront un montant de revenu, en précisant qu’elles doivent représenter 5 % de la valeur nette des actifs corporels et de la masse salariale : la confirmation de cette référence à la valeur nette de ces actifs était attendue, compte tenu de l’économie générale de cette mesure, tendant à retenir des critères simplifiés.

La déclaration du 8 octobre finalise ainsi la mise en place de ces mesures en précisant en outre que, au cours d’une période de transition de 10 ans, le montant des revenus exclus sera de 8 % de la valeur nette des actifs corporels et de 10 % de la masse salariale, en appliquant une réduction annuelle de 0,2 points de pourcentage les cinq premières années, et de 0,4 points de pourcentage pour les actifs corporels et de 0,8 points de pourcentage pour la masse salariale les cinq dernières années.

Également, la déclaration confirme que les règles GloBE comporteront également une exclusion de minimis, et précise qu’elle s’appliquera pour les juridictions dans lesquelles l’EMN a un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros et des bénéfices inférieurs à 1 million d’euros.

  1. Le plan de mise en œuvre détaillé

Enfin, à titre de finalisation ultime de ce dispositif, la déclaration du 8 octobre met en œuvre un calendrier détaillé permettant de structurer les dernières étapes présidant à l’élaboration des Piliers Un et Deux en 2022, par la mise en œuvre d’une convention multilatérale ayant force de traité international, et à la modification subséquente des réglementations nationale :

  • Pour le Pilier Un :
    • concernant le Montant A :
      • conclusion de la CML et de sa note explicative début 2022,
      • ouverture subséquence de la CML à la signature,
      • organisation d’une cérémonie de signature à haut niveau à la mi-2022 ;
    • concernant le Montant B :
      • début fin 2021 des travaux techniques concernant la définition des activités de commercialisation et de distribution de référence exercées dans les pays entrant dans le champ d’application du Montant B ;
      • d’ici fin 2022, en liaison avec le Groupe de travail 6 et le Forum sur les procédures amiables développement et achèvement conjointement des travaux relatifs au Montant B.
    • Pour le Pilier Deux :
      • Novembre 2021 : publication de règles modèles pour définir le champ et le fonctionnement des règles GloBE ;
      • Novembre 2021 : publication de règles conventionnelles modèles pour mettre en œuvre la règle d’assujettissement à l’impôt ;
      • Mi-2022 : instrument multilatéral pour la mise en œuvre de la règle d’assujettissement à l’impôt dans les conventions fiscales bilatérales ;
      • Fin 2022 : Cadre de mise en œuvre pour faciliter la mise en œuvre coordonnée des règles GloBE.

Article paru dans Option Finance le 15/11/2021

Auteurs

François Lacroix, avocat associé en droit fiscal

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