Le Conseil d’Etat admet la recevabilité de certains recours pour excès de pouvoir (REP) contre les prises de position de l’administration sur une situation de fait
Rappelons le contexte de cet assouplissement qui pourra s’avérer très précieux lorsque l’administration fiscale prend une position défavorable, notamment sur des opérations de restructuration lourdes.
Le Conseil d’Etat avait considéré qu’une lettre par laquelle l’administration prend position sur la situation de fait d’un contribuable au regard de la loi fiscale peut comporter une décision faisant grief, mais qu’une telle décision « ne présente pas le caractère d’un acte détachable de la procédure d’imposition et n’est donc pas susceptible d’être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir » (CE, 26 mars 2008, n°278858, association Pro-musica).
Il vient de confirmer qu’une telle décision ne peut en principe pas être contestée par la voie du REP, compte tenu de la possibilité d’un recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt, mais en apportant un assouplissement qui était très attendu (CE, Section du contentieux, 2 décembre 2016, n°387613 min. c/ Société Export express) : la voie du REP est ouverte « lorsque la prise de position de l’administration, à supposer que le contribuable s’y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu’ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt ne lui permettrait pas d’obtenir un résultat équivalent ».
Il en va ainsi, notamment, lorsque le fait de se conformer à la prise de position aurait pour effet de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique, ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l’amener à modifier substantiellement un tel projet.
Les prises de position défavorables sur des demandes des contribuables relevant des 2° à 6° ou du 8° de l’article L. 80 B et de l’article L. 80 C du livre des procédures fiscales, lesquelles entraîne une prise de position formelle de l’administration lorsque cette dernière n’y répond pas dans un délai de trois mois, sont, juge le Conseil d’Etat, réputées remplir ces conditions et, par suite, pouvoir être contestées par la voie du REP.
Le Conseil d’Etat précise enfin les modalités procédurales auxquelles est subordonnée la recevabilité d’un tel REP. La décision indique ainsi que lorsqu’une prise de position présente le caractère d’une décision susceptible d’un REP, le contribuable auteur de la demande qui entend la contester doit saisir préalablement l’administration dans les conditions prévues à l’article L. 80 CB du LPF. C’est uniquement la décision qu’elle rendra à l’issue de ce second examen, laquelle se substitue à sa prise de position initiale, qui pourra être contestée par la voie du REP.
On peut en particulier penser que dans l’hypothèse où l’urgence serait démontrée, un contribuable pourrait alors associer REP et procédure de référé suspension afin d’obtenir très rapidement un premier examen par le juge.
Auteur
Stéphane Austry, avocat associé au sein du département doctrine fiscale, en charge du développement de l’activité contentieuse du cabinet, professeur associé, Ecole de Droit de la Sorbonne, Université Paris I.