Qui ne dit mot consent… aux opérations mentionnées sur les relevés bancaires !
Il est un domaine où l’adage populaire « Qui ne dit mot consent », faux en règle générale, possède une once de réalité. il concerne la portée des opérations mentionnées sur les relevés de compte envoyés par une banque à son client.
Un arrêt récent de la Cour de cassation vient de rappeler les règles qui s’imposent en la matière (arrêt du 13 novembre 2012). En l’espèce, la cliente (non commerçante) d’une banque contestait les débits imputés par la banque sur son compte professionnel, qui était un compte courant. Elle prétendait que ceux-ci avaient été le fait de son ex-mari. Sur le terrain technique, son argumentation consistait à soutenir d’abord quelle n’avait pas reçu les relevés bancaires litigieux (et ce pendant près de sept ans !), ensuite que c’était à la banque d’établir que les débits contestés avaient bien été ordonnés par la cliente titulaire du compte. Sans quoi on aurait exigé d’elle la preuve d’un fait négatif – preuve qu’elle n’était pas à l’origine des débits contestés – évidemment impossible.
L’argument est rejeté par la Cour de cassation, qui prend le soin de rappeler une solution, certes ancienne, mais dont il n’est sans doute pas inutile de rappeler la teneur et la cohérence. Le raisonnement déployé par la Cour de cassation repose sur trois étapes.
En premier lieu, elle indique que l’envoi et la réception constituent de simples faits, pouvant être établis par tout moyen. Or, la banque produisait la copie de l’ensemble des relevés bancaires du compte litigieux à compter de l’ouverture du compte. Ce qui fait présumer très fortement que ceux-ci avaient bien été envoyés… et reçus par la cliente. Certes, les juges n’excluent pas la possibilité de dysfonctionnements. Mais ils observent que l’hypothèse n’a pas de sens ici car un professionnel normalement diligent ne peut avoir négligé, durant sept années consécutives, de suivre le relevé des écritures portées sur son compte. En somme, c’est la négligence du client qui permet d’inférer que la banque a bien procédé à l’obligation qui lui incombe.
En second lieu, la Cour de cassation reprend une solution dégagée dès 1975. Le silence vaut approbation des relevés de compte ; et ce, même si le client n’est pas commerçant. Le silence emporte présomption que les opérations mentionnées ont bien été exécutées conformément aux ordres du client. Mais c’est une présomption simple. Une présomption que le client peut donc renverser. Comment opérer ce renversement ? Cest le troisième élément de la décision. Tout dépend à quel moment le client se manifeste. S’il conteste les écritures dans le délai mentionné contractuellement et rappelé sur le relevé de compte (généralement comme en l’espèce, un mois), cest à la banque de rapporter la preuve de l’identité de la personne qui lui a adressé l’ordre de payer.
Si, en revanche, la protestation intervient une fois que ce délai contractuel est dépassé, il incombera au client lui-même d’établir qu’il n’a pu donner l’ordre déclenchant l’écriture de débit contestée (par exemple, l’ordre de virement ne porte pas sa signature). Cette démonstration pourra être faite tant, du moins, que le délai de prescription de droit commun (cinq ans) n’est pas expiré. Là encore, l’éventuelle négligence du client, comme en !espèce, joue négativement pour lui. Dans l’arrêt évoqué, il est relevé que la cliente n’a raisonnablement pu ignorer les virements effectués régulièrement en faveur du compte de son mari pour des sommes importantes pendant plus de sept ans.
Cette solution équilibrée sur le terrain de la preuve contraste avec la solution beaucoup plus contestable retenue, en matière de prêt bancaire, par la Cour de cassation qui exige que l’établissement de crédit fasse la preuve de la remise des fonds si le client conteste les avoir reçus (arrêt du 14 janvier 2010).
A propos de l’auteur
Arnaud Reygrobellet, of Counsel, Doctrine juridique.
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 18 février 2013
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