Qu’est-ce qu’un fonds de prêt à l’économie ?
La raréfaction du crédit bancaire conduit le législateur à favoriser le développement de sources de financements alternatifs, tout spécialement en direction des PME/ETI.
C’est l’objet de la création des fonds de prêt à l’économie (les « FPE ») par le décret n°2013-717 du 2 août 2013 (le « Décret »), destinés à incarner le vecteur par lequel les assureurs, ayant récemment drainé d’importantes liquidités, peuvent désormais financer indirectement l’économie non-financière.
Le statut de FPE n’est pas tant une nouvelle catégorie juridique de fonds d’investissement qu’une qualification particulière applicable à des organismes de titrisation ou à des fonds d’investissement professionnels spécialisés s’astreignant au respect de règles supplémentaires. En pratique, toutefois, compte tendu d’un régime de cession de créances plus favorable, il y a fort à parier que l’essentiel des FPE prendront la forme d’organismes de titrisation.
Ces règles supplémentaires concernent en particulier la composition de l’actif des FPE, de sorte à les dédier au financement de l’économie dite réelle dans ses diverses dimensions. Ainsi, on tire des dispositions de l’article R.332-14-2 du code des assurances que :
- le FPE est un outil ouvert aux seules « collectivités publiques territoriales ou des établissements publics des Etats membres de l’Union européenne ou des personnes morales de droit privé des Etats membres de l’Union européenne, exerçant à titre principal une activité commerciale, industrielle, agricole ou immobilière ». Cette population paraît malgré tout suffisamment large pour répondre à un besoin dépassant de loin celui identifié prima facie, à savoir le financement des PME/ETI. Néanmoins, on peut observer que les pures holdings ne devraient pas pouvoir accéder aux FPE puisqu’elles n’ont pas, pas directement en tout cas, l’activité exigée ;
- le FPE peut acquérir des créances correspondant à des prêts mis à disposition des entités susmentionnées, mais aussi des titres de créances émis par les mêmes entités. Sa dénomination ne doit donc pas tromper ses potentiels utilisateurs : le FPE peut aussi être un fonds d’obligations ! Par ailleurs, parce que l’intention semble être de favoriser un financement pérenne de l’économie, ces créances et titres de créances doivent avoir une maturité d’au moins deux ans.
Le passif d’un FPE ne peut être subdivisé en tranches faisant peser le risque de crédit sur une catégorie particulière d’investisseurs. Bien que les FPE puissent placer leurs titres auprès de différents types d’investisseurs, les règles qui leur sont désormais applicables font des assureurs les cibles privilégiées des FPE. Ainsi, non seulement les titres émis par les FPE sont admissibles en représentation de leurs engagements règlementés, mais en plus ils échappent au « ratio poubelle » (à savoir le sous-ensemble plafonné à 10% de 65% visé par l’article R.332-3 1° du code des assurances), pour pouvoir représenter jusqu’à 5% de la base de dispersion d’une entreprise d’assurance donnée (articles R.332-2 2° quater et R.332-3 4° du code des assurances). Le traitement est d’autant plus favorable que le sous-ensemble dans lequel sont insérés les titres des FPE est relativement réduit. Enfin, l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a la possibilité de relever les seuils au cas par cas, dans les conditions d’un arrêté à venir.
A propos de l’auteur
Grégory Benteux, avocat associé, spécialisé dans les opérations de financements structurés et de titrisation, tant domestiques qu’internationales, portant sur tout type d’actifs : créances commerciales, infrastructures, créances publiques, prêts immobiliers, actifs corporels et incorporels. Il est également une référence en matière de covered bonds (société de crédit foncier, société de financement de l’habitat,structured covered bonds).
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 25 novembre 2013