Quelle opposabilité des circulaires de sécurité sociale aux URSSAF ? Un droit limité du cotisant
6 juin 2023
Depuis le 1er avril 2021, les instructions et les circulaires relatives à la législation applicable en matière de cotisations et contributions sociales sont rassemblées dans le Bulletin officiel de la Sécurité Sociale (BOSS) :
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- qui se substitue aux circulaires et instructions antérieures ;
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- et est régulièrement actualisé.
Véritable outil de simplification pour l’accès à la règlementation de la sécurité sociale, le BOSS se définit ainsi comme une «base documentaire unique, gratuite et opposable», accessible via le site internet dédié boss.gouv.fr.
Est-ce à dire que ces circulaires et instructions sont librement «invocables» ou «opposables» par le cotisant aux organismes de recouvrement (URSSAF) ?
L’opposabilité de la doctrine administrative en matière de sécurité sociale est en principe régie par l’article L.243-6-2 du Code de la sécurité sociale (CSS).
Suivant cette disposition, le cotisant ayant appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l’interprétation admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale et régulièrement publiée, est garanti contre tout redressement d’une Urssaf qui invoquerait une interprétation différente.
Or, la Cour de cassation adopte une interprétation restrictive de cette disposition, limitant le droit du cotisant de se prévaloir de ces circulaires et instructions de sécurité sociale.
Dans un arrêt récent (Cass. civ. 2, 16 mars 2023, n°21-19.066), la Cour de cassation confirme sa jurisprudence et clarifie les contours de l’opposabilité aux URSSAF des circulaires ministérielles en matière de sécurité sociale.
Les faits d’espèce
Dans cette affaire, une entreprise avait adressé à l’URSSAF, par courrier, une demande de remboursement de sommes versées au titre du Fonds national d’aide au logement (FNAL), du versement transport, de la réduction générale des cotisations sur les bas salaires et de la déduction patronale sur les heures supplémentaires (TEPA) pour la période du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2015.
Au soutien de sa demande de remboursement, la société opposait à l’URSSAF les instructions émises par une circulaire ministérielle DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007 relative à la mise en œuvre de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Si les premiers juges avaient fait droit à cette demande de remboursement, celle-ci avait néanmoins été rejetée en appel au motif que «cette circulaire, dépourvue de toute portée normative ne saurait étendre ou modifier le champ d’application des dispositions règlementaires par l’adjonction d’une méthode de calcul non prévue par l’article D.241-26 du Code de la sécurité sociale.»
A l’appui de son pourvoi en cassation, la société soutenait notamment que, «selon l’article L.312-2 du CRPA, font l’objet d’une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ; qu’aux termes de l’article L.312-3 du même Code, toute personne peut se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée.»
Il revenait à la Cour de cassation de déterminer si cette société pouvait se prévaloir, à l’encontre de l’URSSAF, d’une instruction ministérielle régulièrement publiée au soutien d’une demande de remboursement de sommes versées au titre de cotisations de sécurité sociale.
La solution : le droit d’opposer aux URSSAF des circulaires et instructions se limite à la contestation d’un redressement
Pour rejeter la demande de remboursement de la société, la Cour de cassation raisonne en deux temps.
Dans un premier temps, la Cour de cassation prend soin de rappeler, sur le fondement de l’article 12 du Code de procédure civile, que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, dont ne font pas partie les circulaires qui sont dépourvues de toute portée normative.
Dans un second temps, la Cour de Cassation s’appuie sur l’article L.243-6-2 du CSS selon lequel :
«Lorsqu’un cotisant a appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l’interprétation admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale, publiées conformément au livre III du code des relations entre le public et l’administration ou dans les conditions prévues à l’article L. 221-17 du même code, les organismes mentionnés aux articles L.213-1, L.225-1 et L.752-4 ne peuvent demander à réaliser une rectification ou, lors d’un contrôle, procéder à aucun redressement de cotisations et contributions sociales, pour la période pendant laquelle le cotisant a appliqué l’interprétation alors en vigueur, en soutenant une interprétation différente de celle admise par l’administration »
Elle en déduit que «le redevable ne peut opposer à l’organisme de recouvrement l’interprétation de la législation relative aux cotisations et contributions sociales par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale publiée, selon les modalités qu’il précise, que pour faire échec au redressement de ses cotisations et contributions par l’organisme fondé sur une interprétation différente.»
Appliquant ce principe aux faits d’espèce, la Cour de cassation décide que la société ne pouvait se prévaloir de la circulaire DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007 pour contester le bien-fondé du rejet par l’Urssaf de sa demande de remboursement.
Par cette solution, la Cour confirme son interprétation restrictive des dispositions de l’article L.243-6-2 du CSS suivant laquelle le cotisant ne peut opposer aux URSSAF les circulaires et instructions de sécurité sociale que dans le but de contester un redressement de cotisations ou contributions opéré par ces organismes de recouvrement (V. en ce sens Cass. civ. 2., 14 février 2013, n°12-13.339 ; Cass. civ.2, 24 mai 2017, n°16-15.724 et 16-15.725).
Ce faisant, la Cour de cassation semble exclure l’application des dispositions des articles L.312-2 et L.312-3 du CRPA dans les litiges portant sur l’opposabilité par le cotisant aux URSSAF des circulaires et instructions ministérielles en matière de cotisations et contributions sociales.
Ainsi, selon la Cour, le cotisant ne peut opposer aux URSSAF les circulaires et instructions de sécurité sociale pour :
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- demander le remboursement de cotisations, comme c’était le cas en l’espèce (V. aussi Cass. civ. 2, 14 février 2013, n°12-13.339) ;
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- ou encore demander l’annulation des observations pour l’avenir de l’URSSAF portant sur un accord d’intéressement (Cass. civ. 2, 24 mai 2017, n°16-15.724 et 16-15.725).
Si la solution n’est pas nouvelle, elle présente le double intérêt, d’une part, de rappeler que le juge n’est pas lié par les circulaires et les instructions administratives qui interprètent une règle de droit et, d’autre part, de confirmer que ces dernières ne peuvent être opposées à l’administration que pour contester un redressement. On le voit, le droit pour le cotisant d’opposer à l’administration sa propre doctrine doit donc être relativisé.
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