Publication d’une « transaction » générale : une double première
Le 6 juillet dernier l’Autorité de la concurrence (ADLC) a sanctionné à hauteur de 615 000 euros la société Henkel et plusieurs de ses grossistes importateurs à la Réunion, en Guyane, aux Antilles, et dans le territoire de Wallis et Futuna, pour avoir prolongé des contrats d’importation exclusifs, au mépris des dispositions de l’article L. 420-2-1 du Code de commerce. Ce texte, issu de la loi Lurel du 20 novembre 2012, interdit en effet les pratiques ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation dans les collectivités d’outre-mer, dès lors qu’elles ne sont pas justifiées par l’intérêt des consommateurs.
En l’espèce, si les contrats de distribution ne comportaient plus l’adjectif « exclusif », chaque distributeur-importateur avait néanmoins conservé la qualité de distributeur des produits Henkel pour une zone déterminée tout en étant soumis à une interdiction de procéder à des ventes actives en dehors de son « territoire », ce qui, de fait, le protégeait de la concurrence des autres distributeurs d’Henkel France. Cette situation d’exclusivité de fait était en outre consolidée par une clause empêchant le distributeur de distribuer les produits des concurrents d’Henkel.
Ni Henkel, ni ses grossistes importateurs également impliqués n’ont contesté la réalité de ces griefs.
La décision de l’ADLC est pionnière à un double titre.
Tout d’abord, en ce qu’elle rend publique pour la première fois une transaction générale avec toutes les entreprises mises en cause dans la même affaire, aucune n’ayant choisi in fine de contester les griefs.
Ensuite, parce qu’il s’agit « officiellement » de la première décision de transaction intervenue dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs telle que revisitée par la loi Macron du 6 août 2015. On se souviendra que, dans la décision n° 15-D-20 du 17 décembre 2015 ayant sanctionné la société Orange pour des pratiques mises en œuvre dans le secteur des communications électroniques, l’ADLC avait fait une application anticipée du nouveau dispositif applicable aux affaires dans lesquelles la notification interviendrait après la publication de la loi (voir Lettre Concurrence/Economie de mai 2016).
La nouvelle procédure de transaction corrige le principal défaut de l’ancienne en permettant aux entreprises qui ne contestent pas les griefs de connaître avec exactitude le plafond de la sanction qui pourra leur être effectivement infligée. A cet effet, le rapporteur leur soumet « une proposition de transaction fixant le montant minimal et maximal de la sanction pécuniaire envisagée » (art. L.464-2, III C. com.). En l’espèce, l’ensemble des sociétés mises en cause n’avaient pas contesté la réalité des griefs notifiés et avaient accepté la fourchette de sanctions proposée par le rapporteur.
Dans son communiqué de presse, l’ADLC a souligné que les gains procéduraux permis par la transaction étaient illustrés par la brièveté de la décision qui se limite à prendre acte du compromis trouvé avec chaque entreprise sans entrer dans le détail des négociations ayant abouti à un accord, cette confidentialité des termes de la transaction étant présentée comme une garantie offerte aux entreprises futures utilisatrices de cette procédure.
ADLC décision n°16-D-15 et communiqué du 6 juillet 2016
Auteurs
Nathalie Pétrignet, avocat associée en droit douanier, droit de la concurrence, droit européen, droit de la consommation et de la distribution, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris