La protection des investisseurs dans MIF2 selon l’ESMA
S’il reste encore du temps aux prestataires de services d’investissement («PSI») pour adapter leurs procédures d’ici l’entrée en vigueur des dispositions de la Directive 2014/65/EU («MIF2»), le 3 janvier 2018, l’ESMA a déjà précisé le 10 octobre 2016 ses attentes en matière de protection des investisseurs (le «FAQ»)1.
A cet égard, il faut souligner que les attentes ainsi que les présomptions lourdes de non-conformité exposées dans le FAQ par le régulateur européen sont de nature à sensiblement affecter la conduite des PSI.
Tout d’abord, en matière de meilleure exécution (recherche du meilleur résultat pour le client), l’ESMA insiste sur le passage d’une prise, par les PSI, de toutes les «mesures raisonnables» à toutes les «mesures suffisantes», traduisant ainsi une évolution d’une analyse in abstracto à une analyse in concreto. Cette nouvelle approche apparaît au niveau des mesures devant être prises tant en termes organisationnels de sélection des contreparties (évaluation ex ante et ex post) qu’en termes d’interprétation de ce qu’est le prix juste pour le client, y compris en recourant à des services de fournitures de données pour mener une telle évaluation.
De la même manière, en matière d’évaluation du caractère approprié ou adapté d’un instrument financier, si le FAQ rappelle des obligations déjà existantes sous MIF12, notamment concernant l’obligation de fournir au client ou au prospect le compte rendu sur le caractère adapté du produit, l’ESMA précise les impacts de la vérification de la tolérance au risque et la capacité à supporter les pertes par le client.
Sur ce point, le régulateur insiste sur le fait que le non-respect par le client d’une recommandation et l’exécution à sa demande d’une transaction déconseillée doivent s’accompagner d’une information particulière des risques auxquels le client s’expose. Qui plus est, l’ESMA évoque même la possibilité pour un PSI, sous réserve des législations locales, de refuser l’exécution d’une transaction sur les instruments financiers qu’il considère inadapté pour le client, en particulier lorsque de tels instruments sont émis/structurés/«produits» par ce PSI ou des sociétés de son groupe («Produits Internes»). L’ESMA introduit même une présomption lourde de non-conformité dans des hypothèses d’exécution simple pour les transactions déconseillées sur les Produits Internes. Ce regard négatif sur ce type de produits apparaît également en matière de conseil en investissement indépendant, l’ESMA considérant que la recommandation régulière de ces produits «rend difficile à un PSI» la démonstration du respect des règles en la matière.
Le FAQ ne contient pas que des recommandations sur le caractère adapté/approprié propres à alourdir les obligations des PSI, l’ESMA reconnaissant que le principe de proportionnalité permet à ces derniers d’adapter leurs diligences à la nature plus ou moins complexe des instruments financiers. Toutefois, ce principe de proportionnalité est à double tranchant dans la mesure où la collecte d’informations doit être faite de manière raisonnable et proactive, de sorte qu’un PSI doit s’appuyer sur l’ensemble des informations à sa disposition, qu’elles lui aient été fournies en lien avec des services d’investissement ou avec d’autres services (bancaires par exemple).
Enfin, on ne saurait omettre de mentionner les précisions apportées par l’ESMA en matière d’enregistrement et, notamment le rappel que les échanges internes au PSI doivent être enregistrés, y compris lorsqu’ils ne sont pas réalisés par voie électronique ou téléphonique.
Notes
1 Questions & Answers on MiFID II and MiFIR investor protection topics, ESMA/2016/1444.
2 Directive 2004/39/CE.
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.