Protection des flagship stores à titre de marque et valorisation des réseaux de franchise
Parmi les actifs immatériels mis à disposition contre rémunération par le franchiseur au profit du franchisé figure classiquement la marque, qui est protégée par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle (CPI).
Depuis plusieurs années, l’aménagement architectural des enseignes franchisées est devenu également un signe de ralliement de la clientèle à l’égard duquel les tribunaux ont éprouvé quelques réticences à accorder une protection autre que celle fondée sur l’article 1382 du Code Civil.
Dans les années 90, la cour d’appel de Paris a ainsi jugé que le dépôt d’une marque tridimensionnelle représentant l’agencement d’un magasin Sephora « ne saurait sous peine de détourner le droit des marques de sa finalité, protéger à ce titre ce qui n’est autre que l’agencement et la décoration intérieure d’un magasin » (CA Paris, 4 e ch., sect. A, 25 juin 1997, RG n°96/13700).
Récemment, la société Apple a souhaité étendre en Europe la protection, à titre de marque, de l’agencement de ses magasins pour désigner des « services de commerce de détail relatifs aux ordinateurs, logiciels, périphériques, téléphones portables, électronique grand public et accessoires et démonstration de produits y relatifs« . Elle s’est d’abord heurtée à un refus de la part de l’Office allemand des brevets et des marques, celui-ci estimant que la représentation des espaces destinés à la vente des produits d’une entreprise ne serait que la représentation d’un aspect essentiel du commerce de cette entreprise. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a alors été saisie d’une question préjudicielle afin de trancher la question du caractère protégeable par le droit des marques du signe tridimensionnel proposé par Apple.
Par un arrêt rendu le 10 juillet 2014, la CJUE a jugé que la représentation de l’aménagement d’un espace de vente « au moyen d’un ensemble continu de lignes, de contours et de formes » est protégeable au titre du droit des marques sous réserve que cette représentation soit distinctive des produits et/ou des services de l’entreprise. Elle a par ailleurs précisé qu’ « un signe représentant l’aménagement des magasins porte-drapeaux d’un fabricant de produits peut valablement être enregistré non seulement pour ces produits mais également pour des prestations de services [en l’espèce des démonstrations de produits Apple au cours de séminaires organisés au sein des Apple stores], dès lors que ces prestations ne font pas partie intégrante de la mise en vente des produits » (CJUE, 10 Juillet 2014, C-421/13, Apple Inc.).
Cette décision est doublement intéressante pour les franchiseurs en ce qu’elle permet de valoriser le contrat de franchise, d’une part, en introduisant un nouvel élément incorporel de nature à consolider la redevance exigée du franchisé et, d’autre part, en mettant à la disposition dudit franchiseur une arme juridique supplémentaire pour lutter contre tout risque de confusion avec les points de vente de réseaux concurrents.
Auteur
Alexandra Le Corroncq, avocat en droit de la propriété intellectuelle et droit commercial