Prolongation du congé parental : informer son employeur demeure obligatoire
18 mai 2016
Si la mise en œuvre du congé parental d’éducation est appréciée de manière souple par la jurisprudence pour le salarié qui en remplit les conditions, ce dernier doit néanmoins satisfaire à une obligation d’information de l’employeur dont le défaut peut être lourd de conséquence.
Retour sur cette obligation et ses conséquences après la décision de la Cour de cassation du 3 mai 2016.
Une obligation d’information de l’employeur qui pèse sur le salarié …
Pendant la période qui suit l’expiration du congé de maternité ou d’adoption, tout salarié justifiant d’une ancienneté minimale d’une année à la date de naissance de son enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l’arrivée au foyer d’un enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de la fin de l’obligation scolaire, a droit soit au bénéfice d’un congé parental d’éducation, durant lequel le contrat de travail est suspendu, soit à la réduction de sa durée du travail sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à seize heures hebdomadaires.
Le bénéfice de ce congé, dès lors que le salarié en remplit les conditions, suppose que ce dernier informe son employeur du point de départ et de la durée de la période pendant laquelle il entend bénéficier soit d’un congé parental d’éducation, soit d’une réduction de sa durée du travail.
Lorsque cette période suit immédiatement le congé de maternité ou le congé d’adoption, le salarié informe l’employeur au moins un mois avant le terme de ce congé. Dans le cas contraire, l’information est donnée à l’employeur deux mois au moins avant le début du congé parental d’éducation ou de l’activité à temps partiel.
Le salarié est tenu à une même obligation d’information en cas de prolongation du congé.
L’information de l’employeur doit être effectuée par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise contre récépissé.
… mais qui est appréciée avec souplesse par les juges
Les obligations mises à la charge du salarié sont appréciées avec souplesse par les juridictions puisque l’information tardive de l’employeur ne prive pas le salarié du droit au congé, en dépit des désordres qu’un retard est susceptible de générer pour l’employeur.
Ainsi, si la salariée qui demande à bénéficier d’un congé parental d’éducation qui suit immédiatement le congé de maternité doit en informer son employeur au moins un mois avant la fin de son congé maternité, le non-respect de ce délai ne justifie pas l’irrecevabilité de la demande.
La même obligation s’impose en cas de prolongation ou modification du congé parental
Prévue pour la prise initiale du congé, l’obligation préalable d’information de l’employeur assortie de délai est également posée par les textes en cas de prolongation : le salarié qui entend prolonger ou modifier son congé parental doit en avertir l’employeur au moins un mois avant le terme initialement prévu.
Toutefois, la même souplesse d’appréciation des délais est ici constatée et les juges ont pu la consacrer en cas de demande de transformation du congé parental en activité à temps partiel : l’inobservation de l’information de l’employeur par lettre recommandée au moins un mois avant le terme initialement prévu n’est pas sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande.
Le salarié sera donc éligible au droit au congé parental ainsi qu’à son éventuel renouvellement quand bien même la demande initiale ou de prolongation n’aura-t-elle pas fait l’objet d’un envoi recommandé ou d’une lettre remise contre récépissé. De même, une demande de prolongation formée moins d’un mois avant l’échéance du congé ne pourra fonder un refus par l’employeur de la demande de prolongation formulée tardivement.
Une obligation d’information de l’employeur à des fins probatoires …
Il est donc établi que le droit au congé, pour le salarié qui en remplit les conditions, n’est pas subordonné au strict respect des conditions de forme pourtant prévus par les textes et leur application n’est pas prescrite à peine d’irrecevabilité de la demande.
Une fois rappelé que le droit au congé n’est pas lié aux règles présidant à sa mise en œuvre, le salarié est-il pour autant dispensé de toute information de l’employeur ?
Pas tout à fait. Pour la Cour de cassation, l’information de l’employeur, même tardive, reste la règle et le salarié devra, en cas de litige, justifier par tous moyens qu’il a bien informé son employeur.
… que la Cour de cassation rappelle dans le cadre d’un litige relatif au renouvellement du congé
Dans une affaire ayant donné lieu à la décision du 3 mai 2016, la salariée n’avait pas informé son employeur du renouvellement du congé ce qui avait conduit au licenciement de l’intéressée pour absence injustifiée.
Pour sa défense, la salariée considérait que l’obligation d’informer l’employeur n’était pas une condition à la prolongation de ce congé, de droit pour la salariée, mais uniquement un moyen de preuve de l’information de l’employeur. Qu’en prononçant son licenciement, l’employeur avait violé les dispositions relatives au droit au congé parental d’éducation et à son renouvellement par le salarié qui en remplit les conditions.
Pour autant, dans cette décision destinée à être publiée, la Chambre sociale donne tort à la salariée en suivant un raisonnement en deux temps. La Cour rappelle d’abord que les modalités relatives aux délais de prévenance ne sont effectivement pas une condition du droit du salarié au bénéfice de la prolongation mais que, pour autant et ensuite, à défaut de justifier d’une demande de prolongation ou d’autres causes justifiant de son absence à l’issue du congé parental, dont la prolongation n’a pas été dûment portée à la connaissance de l’employeur, la salariée se trouvait en situation d’absence injustifiée permettant à l’employeur d’en tirer toutes les conséquences.
Une omission qui peut être lourde de conséquence pour le salarié
En l’absence d’information de l’employeur, celui-ci était donc légitimement fondé à en tirer toutes les conséquences en prononçant le licenciement pour absence injustifiée en invoquant même la faute grave de la salariée.
Ainsi donc, si le droit au congé et à son renouvellement n’est pas subordonné au respect des modalités légales et réglementaires d’information, le salarié qui s’en dispense s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute.
A noter que, dans cette espèce, l’employeur avait eu la prudence d’indiquer, à l’occasion de la prise du congé, la date prévisible de retour de la salariée et l’avait justement mise en demeure de reprendre son poste à l’issue du congé, ce à quoi cette dernière n’avait pas jugé utile répondre.
Cette décision, qui ne peut qu’emporter l’adhésion, est l’occasion de rappeler, s’il en était besoin, l’intérêt pour l’employeur d’acter de la durée initiale du congé et de la date prévisible de reprise, tout comme du défaut de retour et ou d’information du salarié à l’issue du congé.
Auteur
Vincent Delage, avocat associé en droit social.
En savoir plus
LEXplicite.fr est une publication de CMS Francis Lefebvre Avocats, l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée en droit fiscal, en droit des affaires et en droit du travail. |
Prolongation du congé parental : informer son employeur demeure obligatoire – Article paru dans Les Echos Business le 18 Mai 2016
A lire également
Pas d’indemnité de clientèle pour le VRP en l’absence de préjudice subi... 11 janvier 2017 | CMS FL
Un salarié peut-il pratiquer le covoiturage avec son véhicule professionnel ?... 26 décembre 2018 | CMS FL
Absence de réponse : l’administration qui ne dit mot consent ?... 16 décembre 2014 | CMS FL
Le nouveau visage des élections professionnelles après la loi du 5 mars 2014... 16 juin 2014 | CMS FL
Vente ou location d’immeuble : l’obligation d’information est modifiée... 9 mars 2018 | CMS FL
Cadre dirigeant : statut à utiliser avec modération... 10 mai 2013 | CMS FL
La mention « photographie retouchée » obligatoire à partir du 1er octobre ... 3 août 2017 | CMS FL
Quelle solution pour l’employeur si le médecin du travail refuse de se pronon... 20 mars 2019 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente