Procédure de recueil des signalements des lanceurs d’alertes : les modalités d’application sont fixées
19 mai 2017
La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a codifié la définition et la protection du lanceur tout en évoquant les grandes lignes de la procédure de signalement des alertes.
Si les dispositions de la loi sur ce thème, pour la plupart d’entre elles, ont trouvé à s’appliquer dès le 11 décembre 2016, certaines modalités relatives à la procédure de recueil de signalement des alertes devaient être détaillées par décret.
C’est ainsi que l’article 8 de la loi précitée disposait que : » III. – Des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’Etat, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »
C’est désormais chose faite tel qu’en témoigne le décret n°2017-564 du 19 avril 2017 paru au JO daté du lendemain.
Champ d’application de la procédure de recueil des signalements
Sont concernées par la mise en œuvre d’une procédure de signalement les personnes morales de droit public autres que l’Etat ou les personnes morales de droit privé d’au moins 50 salariés, ou les communes de plus de 10 000 habitants, notamment.
Les personnes morales de droit public concernées doivent répondre à des conditions qui leurs sont propres et on s’attachera à évoquer ici les dispositions relatives aux personnes morales de droit privé et les personnes morales de droit public employant des personnels dans les conditions du droit privé.
L’obligation d’établir une procédure de recueil des alertes s’impose dès que l’effectif atteint au moins 50 salariés (ou agents). Le décret renvoie à cet égard aux dispositions des articles L. 1111-2, L. 1111-3 et L. 2322-2 premier alinéa du Code du travail.
Dès lors, c’est par référence aux obligations relatives à la mise en place des représentants du personnel et tout particulièrement du comité d’entreprise que le décret se place tant s’agissant des salariés entrant dans le calcul de l’effectif que s’agissant de la référence dans le temps qu’il convient de retenir.
A titre d’illustration, l’effectif de 50 salariés devra avoir été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois dernières années.
En d’autres termes, et sous la réserve ci-dessus, toute entreprise de droit privé dotée d’un comité d’entreprise sera donc tenue de mettre en place le dispositif de signalement.
Pour les personnes morales de droit public employant du personnel dans des conditions de droit privé et de droit public, à leurs règles propres de détermination des effectifs s’ajoutent celles prévues pour les personnes morales de droit privé.
Support juridique de la procédure de signalement
Sur ce point, le décret laisse toute latitude aux entreprises qui relèvent de la procédure à mettre en œuvre puisque selon le décret la procédure doit être établie « conformément aux règles qui régissent l’instrument juridique qu’[elles] adoptent. » tout en précisant que les procédures de recueil des signalement peuvent prévoir qu’elles soient communes à plusieurs entreprises concernées.
On en déduit donc que le support juridique est laissé à la libre appréciation des entreprises concernées, n’excluant pas par là même la mise en œuvre par engagement unilatéral de l’employeur et, naturellement l’accord collectif de travail d’entreprise.
Par ailleurs, la nécessaire et logique coordination en la matière n’exclue pas que la procédure puisse s’envisager au niveau d’un groupe de sociétés dans le cadre d’une procédure commune, ce que vise expressément la notice accompagnant le décret du 19 avril 2017 puisqu’elle évoque la possible mise en œuvre de la procédure au niveau d’un groupe de sociétés.
La procédure de signalement doit être publique et diffusée par tout moyen (notification, affichage, publication), le cas échéant sur le site Internet de l’entreprise. L’objet de cette publicité est de rendre la procédure accessible à l’ensemble des salariés de l’entreprise, ses agents, ses collaborateurs occasionnels ou extérieurs.
Modalités prévues pour la procédure de signalement
Si la loi du 9 décembre 2016 énonçait dans les grandes lignes les étapes du signalement1, le décret en précise logiquement les conditions tout en laissant une marge de manœuvre aux entreprises concernées.
Ainsi, la procédure de signalement doit préciser les modalités selon lesquelles l’auteur du signalement :
- adresse celui-ci à son supérieur hiérarchique, à l’employeur ou au référent identifié ;
- fournit les faits, informations ou documents de nature à étayer son signalement ;
- fournit les éléments permettant un échange avec le destinataire du signalement.
Plus encore, le décret énonce que l’entreprise doit prévoir dans sa procédure les mesures prises pour :
- informer sans délai l’auteur du signalement de la réception de ce dernier tout comme le délai raisonnable et prévisible nécessaire à l’examen de sa recevabilité et des modalités suivant lesquelles il est informé des suites données à son signalement ;
- garantir la stricte confidentialité de l’auteur du signalement, des faits consignés et des personnes visées ;
- détruire les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification de l’auteur du signalement et celle des personnes visées par celui-ci lorsqu’aucune suite n’y a été donnée ainsi que le délai d’examen lequel ne peut excéder deux mois2, à compter de la clôture des opérations de recevabilité ou de vérification.
La procédure doit enfin mentionner l’existence d’un traitement automatisé des signalements mis en œuvre après autorisation de la CNIL (il peut s’agir d’une déclaration simplifiée à certaines conditions).
Quel référent ?
La loi précitée a précisé que le signalement peut être porté à la connaissance de l’employeur, d’un supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou encore d’un référent, dont la définition ne relevait pas de l’évidence.
Le décret précise opportunément que le référent peut être extérieur à l’entreprise et être une personne physique ou toute entité de droit privé dotée ou non de la personnalité morale. Toutefois et de par sa mission, le référent doit être doté de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de ses missions. Il est enfin tenu à une stricte obligation de confidentialité à l’instar des autres personnes appelées à connaître du signalement.
Entrée en vigueur
Le décret d’application pose un certain nombre de contraintes et de conditions auxquelles seront tenues les entreprises dotées de comité d’entreprise ou devant en disposer – on peut d’ailleurs s’interroger sur le rôle de ce dernier dans le cadre de la mise en place de la procédure, sans exclure le rôle possible du CHSCT.
Cela étant celles-ci auront largement la possibilité de s’y préparer dans la mesure où le décret entre en vigueur le 1er janvier 2018 …
Notes
1 Voir article du 8 mars 2017 « Protection des lanceurs d’alerte : les apports de la Loi Sapin II » par Vincent Delage.
2 Voir article précité.
Auteur
Vincent Delage, avocat associé en droit social
Procédure de recueil des signalements des lanceurs d’alertes : les modalités d’application sont fixées – Article paru dans Les Echos Business le 18 mai 2017
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