Des précisions utiles quant aux possibilités de modification du prix fixé dans la convention unique annuelle en cas de variation importante du cours des matières premières ou des devises
La convention écrite imposée par l’article L.441-7 du Code de commerce a en principe pour effet de « fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale » de manière annuelle.
Interrogée par un sénateur sur le risque de fragilisation de la relation commerciale en cas de variation des prix des matières premières ou du cours des devises, le ministère de l’Economie vient d’apporter un certain nombre de précisions intéressantes confirmant en grande partie la position prise par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans sa note d’information du 22 octobre 2014 relative à l’interprétation des nouvelles dispositions sur les pratiques restrictives de concurrence issues de la loi Hamon du 17 mars 2014.
Tout d’abord, la réponse ministérielle permet de délimiter le champ d’application de la convention unique plus explicitement que ne le fait le Code de commerce. Reprenant les avis publiés par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC), l’administration économique indique que l’obligation de conclure une convention écrite annuelle entre le fournisseur et le distributeur suppose, d’une part, une vente de produits destinés à être revendus en l’état et, d’autre part, une véritable négociation commerciale.
Ensuite, en ce qui concerne le prix, elle rappelle que le fournisseur peut, en principe, prévoir une augmentation de son tarif en cours d’année. Toutefois, l’article L.442-6, I, 12° nouveau introduit par la loi Hamon, encadre strictement cette possibilité en interdisant « de passer, de régler ou de facturer une commande à un prix différent […] du prix convenu à l’issue de la négociation commerciale, faisant l’objet de la convention prévue à l’article L.441-7, modifiée le cas échéant par avenant, ou de la renégociation prévue à l’article L.441-8« .
L’administration économique en conclut que l’augmentation de tarif ne peut être appliquée « que sous réserve de l’accord du cocontractant, matérialisé par un avenant au contrat, ou par accord sur les nouvelles CGV, dont la preuve peut être apportée par tous moyens » (Rép. min. n° 15636, JO Sénat Q, 15 oct. 2015, p. 2438).
Mais l’Administration va plus loin que la lettre du Code de commerce en tolérant que « dans les secteurs où les tarifs du fournisseur sont amenés à fréquemment évoluer en cours d’exécution du contrat, les parties peuvent prévoir dès le départ, dans la convention, le principe et les modalités pratiques de l’acceptation par le client de chaque proposition d’évolution du tarif par le fournisseur« .
S’agissant des contrats portant sur la vente de matières premières agricoles et alimentaires, le ministère de l’Economie rappelle les dispositions relatives à l’obligation de conclure une clause de renégociation du prix et, le cas échéant, de renégocier le prix de bonne foi et de rédiger un compte-rendu de renégociation.
Enfin, de manière inédite, la réponse ministérielle interprète extensivement l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce qui interdit « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties« . Selon le ministère de l’Economie, cette disposition pourrait, en effet, être mise en œuvre dans le cas où l’une des parties refuse de renégocier un contrat dont l’économie est bouleversée.
Il paraît toutefois difficile de considérer, dans cette hypothèse, que le partenaire commercial « soumet » son cocontractant à un déséquilibre significatif en refusant de modifier le contrat, condition pourtant nécessaire à l’application de ce texte. Le déséquilibre résulte en effet dans ce cas de la survenance d’évènements extérieurs.
A l’instar des derniers développements jurisprudentiels (par exemple, CA Paris, 1er juillet 2015, n°13/19251), cette interprétation extensive des dispositions sur le déséquilibre significatif peut donc elle aussi apparaître critiquable.
Un renvoi sur ce point au droit commun des contrats et, notamment, à l’obligation de renégocier de bonne foi révélée par la jurisprudence aurait paru plus approprié. A ce titre, l’encadrement de la renégociation prévu par le projet de réforme du droit des obligations pourrait également constituer une réponse plus adaptée en cas de bouleversement de l’économie du contrat.
Auteur
Amaury Le Bourdon, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution