Pratiques anticoncurrentielles : l’Autorité de la concurrence frappe encore !
Après avoir prononcé une amende record de près d’un milliard d’euros à l’encontre des fournisseurs de la grande distribution pour entente dans le secteur des produits d’hygiène et des produits d’entretien, l’Autorité de la concurrence (ADLC) frappe encore dans le secteur de la grande distribution en sanctionnant à hauteur de 192,7 millions d’euros une entente entre onze fabricants de produits laitiers frais vendus sous marques de distributeurs (MDD).
Les pratiques, révélées dans le cadre de la procédure de clémence, une première fois par Yoplait puis en second lieu par Senagral, sont assez classiques : les entreprises se réunissaient régulièrement dans des endroits tenus secrets et de nombreux échanges téléphoniques avaient lieu à partir de téléphones portables dédiés afin de s’échanger des données sur les prévisions de hausse tarifaire des produits laitiers frais vendus sous MDD et de se répartir les volumes dans le secteur des produits laitiers en MDD, dans un contexte de « guerre des prix » des fournisseurs de la grande distribution.
A l’instar de ceux de la Commission européenne, le communiqué de presse de l’ADLC met en exergue l’intérêt pour les entreprises de recourir à la procédure de clémence, utilisée en pratique en France par des entreprises détenues par des capitaux étrangers (américains et allemands surtout). Cette procédure, qui fait l’objet actuellement d’une consultation publique par l’ADLC qui estime opportun de modifier son communiqué de procédure relatif au programme de clémence, permet aux demandeurs de clémence, qui participent ou ont participé à une entente, d’en révéler l’existence à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire, en fonction notamment de leur rang d’arrivée, de leur coopération à l’enquête et de la valeur ajoutée des éléments portés à la connaissance de l’Autorité.
La Société Yoplait, premier demandeur de clémence échappe ainsi à une amende d’un montant de 44,7 millions d’euros.
Le second demandeur de clémence, qui s’est manifesté à l’issue des opérations de visite et de saisie, a vu son amende diminuée de 35%.
Depuis son introduction en France en 2001, cette procédure a permis de révéler dix cartels.
L’Autorité prévoit de rendre plus incitative cette procédure en envisageant de publier désormais systématiquement un communiqué de presse à l’issue d’une opération de visite et saisie, afin de renforcer l’égalité entre les entreprises susceptibles de déposer une demande de clémence. Par ailleurs, elle souhaite recueillir l’avis des entreprises et des professionnels du droit de la concurrence sur le point de savoir si les incitations pour une entreprise à déposer une demande de clémence de second rang doivent être renforcées. Il s’agit pour elle d’être éclairée sur l’analyse de la valeur ajoutée significative apportée par l’entreprise de second rang afin d’évaluer la réduction d’amende qui doit lui être allouée.
Il devient plus que certain que dans un avenir proche d’autres cartels seront mis à jour par cette procédure dont l’attractivité ne devrait pas manquer d’être renforcée pour les demandeurs de clémence de second rang et les suivants.
Auteur
Nathalie Pétrignet, avocat associée, spécialisée en matière de droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.
*Pratiques anticoncurrentielles : l’Autorité de la Concurrence frappe encore !* – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 23 mars 2015