Plus-values à long terme : attention aux levées de fonds dilutives
Le régime des plus-values à long terme suppose d’exercer une influence sur la cible ou d’en détenir une quote-part minimale. Dans un contexte où les start-up réalisent souvent plusieurs levées de fonds successives, le risque que la dilution conduise à une remise en cause du régime du long terme doit donc être anticipé.
Le régime des plus-values à long terme suppose d’exercer une influence sur la cible ou d’en détenir une quote-part minimale. Dans un contexte où les start-up réalisent souvent plusieurs levées de fonds successives, le risque que la dilution conduise à une remise en cause du régime du long terme doit donc être anticipé.
Le régime des plus-values de cession de titres de participation (régime du « long terme ») est favorable puisqu’il conduit à n’imposer que 12% du montant de la plus-value de cession, réduisant l’impôt sur les sociétés à 4% du montant de la plus-value brute.
Toutefois, pour bénéficier de ce régime, les titres cédés doivent soit répondre à la définition comptable des titres de participation, soit être éligibles au régime dit «mère-fille» en matière de dividendes.
Titres répondant à la définition comptable : utilité de la possession
La détention de participations est considérée comme utile à l’activité de l’entreprise lorsqu’elle permet notamment d’exercer une influence significative sur la société émettrice. Le caractère significatif de cette influence doit résulter d’une participation effective à sa gestion et à sa politique financière. L’exercice de cette influence peut résulter, par exemple, de la présence de représentants au sein des organes de direction de la société émettrice.
D’après la jurisprudence du Conseil d’Etat, ces critères doivent être appréciés au moment de l’acquisition des titres, notamment en fonction de l’intention de l’acquéreur (CE, 20 octobre 2010, n°314247 et 214248) : celui-ci avait-il l’intention d’exercer une influence sur la société émettrice et en avait-il les moyens ?
Il est à noter qu’une présomption comptable, reprise par l’administration fiscale, permet de considérer que les titres représentant au moins 10% du capital d’une société constituent des titres de participation.
Titres fiscalement assimilés aux titres de participation
En outre, bénéficient du régime du long terme les titres qui ne présentent pas les caractéristiques des titres de participation mais qui leur sont assimilés en vertu de la législation fiscale. Il en va ainsi des titres bénéficiant du régime mère-fille, c’est-à -dire ceux qui, entre autres conditions, représentent au moins 5% du capital de la société cible. Dans ce cas, le pourcentage de détention est apprécié en continu, c’est-à -dire jusqu’au moment de la cession, pour savoir si les titres sont éligibles au régime mère-fille et donc s’ils sont assimilés aux titres de participation pour l’application du régime du long terme.
Dilution : attention danger
L’interprétation de ces définitions peut soulever des difficultés en cas de cession de tout ou partie d’une participation dans une start-up qui a précédemment fait l’objet de différentes levées de fonds ayant conduit à diluer la participation cédée. L’investisseur cédant peut-il se voir dans ce cas refuser l’application du régime du long terme au moment de la cession en raison de la dilution qu’il a subie ? Dans un contexte d’explosion du nombre de start-up, ces dernières procédant souvent à plusieurs levées de fonds, la problématique de la dilution se rencontre de plus en plus fréquemment.
Le cas des titres bénéficiant d’une présomption ou de l’assimilation est relativement simple. Ces titres étant définis en fonction d’un critère objectif, à savoir le pourcentage de détention apprécié au moment de la cession, il est évident que toute dilution qui conduirait à perdre le minimum de détention requis disqualifierait les titres du bénéfice du régime du long terme. Sur ce point, les investisseurs sont donc invités à la vigilance.
Le cas des titres de participation à proprement parler, c’est-à -dire ceux qui répondent à la définition comptable de ces titres, est plus délicat pour au moins deux raisons.
La première réside dans le fait que l’utilité de la détention doit s’apprécier en fonction des intentions de l’acquéreur au moment de l’acquisition, ce qui laisse supposer que la qualification des titres n’évolue pas en fonction des événements intervenant postérieurement à l’acquisition, comme des augmentations de capital dilutives par exemple. L’absence de jurisprudence sur la qualification fiscale d’une participation qui se trouve réduite à la suite d’une dilution ne nous permet pas, semble-t-il, de considérer que l’intention de l’acquéreur est une garantie contre toute tentative de l’Administration de remise en cause de la qualification de titres de participation dans ce cas précis.
La seconde raison tient au fait qu’il est complexe d’apprécier la perte d’utilité et/ou d’influence exercée alors que le pourcentage détenu dans la cible se réduit du fait d’une dilution. Même si ces critères restent subjectifs, ils sont nécessairement appréciés, entre autres, au regard du pourcentage détenu dans la cible. Hors cas exceptionnels, il sera en effet difficile de prétendre que la détention est utile et que l’on exerce une influence significative avec une participation minime dans le capital. Chaque situation doit naturellement être regardée au cas par cas en fonction des circonstances qui l’entourent.
Cela étant, est-il possible pour l’acquéreur de prendre certaines précautions qui lui permettront de considérer avec une certaine assurance que les titres constituent des titres de participation malgré les dilutions subies ou à venir ? Le cas ne se pose que pour les titres ne pouvant pas ou plus prétendre à la présomption ou à l’assimilation, c’est-à -dire les titres représentant moins de 5% du capital.
Comme rappelé ci-dessus, l’administration fiscale reconnaît que la qualification de titres de participation est susceptible d’être retenue si une entreprise est en mesure d’apporter la preuve que la possession de ces titres lui permet d’exercer une influence ou un contrôle sur la cible.
Il sera donc possible -si le contexte des discussions entre les différentes parties le permet- d’organiser (dans un pacte d’associés, par exemple) un concert aux termes duquel les actionnaires concertistes détermineront en fait les décisions collectives d’associés. Un tel concert pourra notamment résulter d’un accord ayant pour objet de mettre en oeuvre une politique commune ou d’acquérir le contrôle de la société cible. Si un contrôle conjoint ne peut être caractérisé, il conviendra à tout le moins de s’assurer qu’une influence puisse être exercée sur cette société : notamment du fait d’une représentation dans les organes de direction, de contrôle et/ou de surveillance, de la faculté d’impulser et/ou de participer aux décisions stratégiques, etc.
La formalisation de ces droits pourra être effectuée de différentes manières en fonction des objectifs et contraintes des parties (notamment s’agissant de la confidentialité des accords). Ces différents droits pourront être conférés à l’associé minoritaire en vertu d’un pacte d’associés, mais il sera également possible dans certains cas que ces droits soient prévus par les statuts de la société (avantages particuliers) ou encore qu’ils résultent des termes et conditions -également statutaires- d’actions de préférence détenues par ledit associé minoritaire.
Une autre solution pourrait consister éventuellement à fusionner deux entités actionnaires, de telle sorte que le pourcentage de détention de l’absorbante atteigne le niveau requis.
Auteurs
Thomas Hains, avocat en Corporate/Fusions & Acquisitions
Matthieu Lafont, avocat en fiscalité