Plans d’actions gratuites attribuées dans le cadre d’une activité professionnelle internationale : des interrogations persistent
Le régime fiscal applicable au gain d’acquisition d’actions gratuites attribuées à des personnes en situation de mobilité professionnelle internationale a été simplifié par la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012, mais des questions subsistent, tant au regard de l’impôt sur le revenu que de la contribution salariale.
Un principe a priori simple
- Qualification du gain d’acquisition : un complément de salaire
Le gain d’acquisition d’actions gratuites (égal à la valeur des titres au jour de l’acquisition) attribuées à compter du 28 septembre 2012 est expressément qualifié de complément de salaire par la loi, ce qui a mis un terme à plusieurs années de discussions quant à la nature fiscale de ce gain (salaire ou plus-value). Cette qualification de salaire a également été retenue par le Conseil d’Etat1 pour la période antérieure à la loi de 2012. Ce principe a aussi été rappelé récemment par l’administration fiscale dans sa doctrine relative au nouveau régime «Loi Macron», puisqu’elle signale que le gain d’acquisition ne perd pas sa nature salariale, même s’il est désormais soumis à une imposition similaire à celle de la plus-value de cession des actions et peut, à ce titre, bénéficier de l’application de l’abattement pour durée de détention des plus-values mobilières.
- Impact de la qualification en présence d’une mobilité internationale
Cette qualification de salaire conduit à ne pas examiner uniquement la résidence du bénéficiaire des plans au moment où il cède les actions, mais à tenir également compte de l’Etat dans lequel ses rémunérations ont été imposables, au sens des conventions fiscales applicables, pendant la période d’activité en contrepartie de laquelle il perçoit cet avantage. Cette période de référence peut souvent coïncider (dès lors qu’il y a des conditions de présence ou de performance) avec la période d’acquisition des actions.
Prenons l’exemple d’une personne qui réside en France et qui travaille à la fois en France et au Royaume-Uni, dans des conditions telles que sa rémunération est imposable pour partie en France et pour partie au Royaume-Uni. Cette personne s’est vue attribuer des actions gratuites en 2011. Elle cède en 2016 les actions attribuées.
En vertu du droit interne français (article 4 A du CGI), l’intégralité du gain d’acquisition devrait être imposée en France. Ce principe est toutefois limité compte tenu de la convention fiscale applicable. Ainsi, seule la fraction du gain correspondant à une période d’activité au titre de laquelle le bénéficiaire était imposable en France serait soumise à l’impôt français. La fraction du gain correspondant à l’activité exercée au Royaume-Uni serait pour sa part imposable au Royaume-Uni.
En réalité, la fraction « britannique » du gain reste dans le champ de l’impôt français, mais la double imposition sera évitée par application des règles de la convention fiscale.
Selon les conventions fiscales signées par la France, cela aboutit le plus souvent à :
- Cas 1 : exonérer en France le gain d’acquisition de source étrangère, imposable localement (méthode de l’exemption avec progressivité). Ce revenu peut toutefois être pris en compte pour le calcul du taux effectif d’imposition.
- Cas 2 : imposer également en France le gain d’acquisition de source étrangère, pourtant déjà imposable localement, dès lors que le bénéficiaire est résident de France lors de la cession. Le bénéficiaire aura droit à un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français correspondant à ce gain (méthode d’imputation d’un crédit d’impôt).
Autrement dit, dans le premier cas, le contribuable serait uniquement imposé sur le gain de source française (le gain de source étrangère serait pris en compte pour le calcul du taux effectif d’imposition), et dans le second cas, le contribuable serait imposé sur l’ensemble du gain d’acquisition, mais bénéficierait d’un crédit d’impôt équivalent à l’impôt français payé sur le gain de source étrangère.
Notons que, pour l’application de ces conventions fiscales, la doctrine administrative a d’ailleurs rappelé que les contributions sociales (CSG, CRDS et prélèvements sociaux) sont assimilées à l’impôt sur le revenu et peuvent dès lors faire l’objet, au même titre que l’impôt sur le revenu, d’un crédit d’impôt, dès lors que la convention le prévoit.
Qu’en est-il pour la contribution salariale ?
La contribution salariale, assise au taux de 10% sur le gain d’acquisition, est applicable aux actions gratuites attribuées entre le 16 octobre 2007 et le 7 août 2015.
La doctrine administrative mise à jour au 13 juin 2016, mentionne simplement que «la contribution salariale est assise sur le gain d’acquisition tel que précisé au BOI-RSA-ES-20-20-20». Cette référence générale ne permet pas de déterminer si simplement l’assiette de la contribution est identique à celle de l’impôt sur le revenu ou si la contribution doit suivre le même régime fiscal (notamment au regard des conventions fiscales).
L’enjeu en est le suivant : si les conventions fiscales ne sont pas applicables à la contribution, celle-ci serait due au titre de l’intégralité du gain réalisé par le bénéficiaire résident français au moment de la cession. Si, en revanche, les conventions fiscales lui sont applicables, cette contribution ne serait due que sur la fraction du gain imposable en France en vertu des conventions et sous réserve de l’application des crédits d’impôt prévus.
Une première réponse vient de la doctrine administrative antérieure, qui était plus développée1 et précisait que sont redevables de la contribution salariale les bénéficiaires d’actions gratuites imposés dans les conditions de la loi française (articles 200 A -6 bis ou 80 quaterdecies du CGI). Cette référence pouvait laisser penser que l’assiette du gain d’acquisition prise en compte pour la contribution salariale devrait être identique à celle de l’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a précisé que cette contribution est constitutive d’une imposition et non d’une cotisation de sécurité sociale3.
Ainsi, dans la mesure où elle s’ajoute à l’impôt sur le revenu et aux autres prélèvements sociaux dus par les bénéficiaires (elle est d’ailleurs établie, recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions et mêmes modalités que la CSG due sur les revenus du patrimoine), cette contribution entrerait, à notre avis, dans le champ d’application des conventions fiscales signées par la France en matière d’impôt sur le revenu.
Ceci serait notamment le cas pour toutes les conventions signées antérieurement à la création de la contribution salariale (le 19 décembre 2007).
Les conséquences seraient les suivantes :
- si la convention prévoit que le revenu imposable à l’étranger est exonéré d’impôt en France, la contribution salariale ne serait pas due sur la quote-part des gains d’acquisition des actions gratuites imposable à l’étranger. Par ailleurs, la contribution étant appliquée à un taux proportionnel, l’effet sur le taux effectif d’imposition du contribuable serait nul.
- si la convention prévoit un crédit d’impôt égal à l’impôt français, le contribuable devrait avoir droit à un crédit d’impôt égal à la contribution assise sur la quote-part des gains d’acquisition des actions gratuites imposable à l’étranger. Ce crédit d’impôt viendrait donc annuler la contribution à due concurrence.
Dans les deux cas, la contribution salariale ne serait donc effectivement due que sur la fraction du gain imposable en France.
On peut s’interroger toutefois sur la nécessité pour une convention postérieure au 19 décembre 2007 de viser expressément la contribution salariale parmi les impôts qu’elle couvre. A défaut de mention en ce sens, l’administration pourrait être tentée de considérer que la contribution salariale a été volontairement placée hors du champ de la convention fiscale. Le contribuable serait alors assujetti à la contribution sur l’ensemble du gain d’acquisition de source française et étrangère. Néanmoins, une telle situation engendrerait à notre avis une discrimination contraire au principe de libre circulation des travailleurs.
Par conséquent, il serait opportun que l’administration fiscale précise, pour les salariés ayant une activité internationale, que seul le gain d’acquisition de source française est soumis à contribution salariale, quelle que soit la date de signature des conventions applicables.
Notes
1 Conseil d’Etat, arrêts du 17 mars 2010, n° 315831 et du 1er avril 2015 n°369586 pour les stock-options transposables aux actions gratuites.
2 BOI-RSA-ES-20-30-20140812.
3 Considérant 11 de la décision du Conseil Constitutionnel du 9 août 2012
n°2012-654 DC.
Auteurs
Dimitar Hadjiveltchev, avocat spécialisé en fiscalité internationale
Céline Martin, avocat en fiscalité directe
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