Permis de construire : recours administratif contre l’avis défavorable de l’ABF
Cette décision vient apporter d’utiles précisions relatives au recours administratif préalable obligatoire (RAPO) en cas d’avis négatif de l’architecte des bâtiments de France (ABF) lors de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme.
Dans cette affaire, les pétitionnaires déposaient une demande de permis de construire portant sur un projet de sept bâtiments et 91 logements situés dans le champ de visibilité d’un jardin classé au titre des monuments historiques. Après avoir recueilli un avis défavorable de l’ABF le 29 août 2013, le Maire de Bouc Bel Air (Bouches-du-Rhône) refusait de délivrer le permis par un arrêté du 1er octobre 2013. Le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur était saisi le 12 novembre 2013 d’un recours contre l’avis défavorable de l’ABF, qu’il confirmait le 28 février 2014, après avoir sollicité des pièces complémentaires pour porter son appréciation. L’avis émis par le préfet, qu’il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l’ABF. Le maire confirmait son refus de permis par un arrêté du 3 mars 2014.
Saisi par les pétitionnaires sur ces deux refus, le tribunal administratif de Marseille prononçait un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre le premier refus et annulait le second (TA Marseille, 22 décembre 2014, n°1307206, 1403160). La cour administrative d’appel de Marseille rejetait l’appel de la commune, qui se pourvoyait donc en cassation (CAA Marseille, 23 mars 2017, n°15MA00964).
Parfait exemple de la complexité de certaines procédures en matière d’urbanisme, l’article R. 424-14 du code de l’urbanisme impose au pétitionnaire, destinataire d’une décision de refus de permis de construire fondée sur un avis défavorable de l’ABF, d’exercer préalablement à tout recours contre le refus opposé, un recours administratif contre l’avis auprès du préfet (CE, avis, 30 juin 2010, n°334747 ; CE, 12 février 2014, n°359343).
Deux hypothèses alors : soit le préfet confirme l’avis défavorable de l’ABF et l’Administration n’a pas à se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire et le « délai de recours contentieux contre le refus de permis de construire court à compter de la notification de la décision du préfet » (toute éventuelle décision de refus prise ne serait alors que « purement confirmative du refus initialement opposé ») ; soit le préfet infirme l’avis défavorable de l’ABF, et « l’autorité compétente doit statuer à nouveau sur la demande de permis de construire dans un délai d’un mois à compter de la réception du nouvel avis, cette nouvelle décision se substituant alors au refus de permis de construire précédemment opposé ».
Subtilité en l’espèce, le recours administratif dirigé contre l’avis défavorable de l’ABF ne comportait pas le dossier complet de la demande de permis de construire, il appartenait donc au préfet d’inviter le pétitionnaire à compléter ce dossier dans un délai qu’il fixait, et d’en informer le maire pour qu’il statue sur la demande de permis de construire. Le juge administratif précisait alors « que le délai au terme duquel le recours est réputé admis, en vertu de l’article R.423-68 du code de l’urbanisme, est alors interrompu et ne recommence à courir qu’à compter de la réception des pièces requises, conformément à l’article 2 du décret du 6 juin 2001, repris à l’article L.114-5 du code des relations entre le public et les administrations« .
Le Conseil d’Etat annule l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire devant la juridiction d’appel, dès lors qu’une erreur de droit avait été commise en retenant le non-lieu contre le premier refus de permis.
Auteur
Martin Guérin, avocat, droit de la construction et de droit de l’urbanisme