Pactes d’associés : la licéité des clauses de bad leaver
La validité d’une clause de bad leaver, prévoyant pour un associé l’obligation de céder ses actions à un prix décoté de 50%, y compris en cas de licenciement qualifié sans cause réelle et sérieuse, ne peut être contestée sur le fondement de l’illicéité de sa cause.
Tel est l’un des enseignements de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 juin 20161. En l’espèce, la directrice commerciale d’une société détenait des actions, notamment pour en avoir reçu à titre gratuit. Par la suite, elle a conclu, avec la société mère de son employeur, un pacte d’associés contenant un engagement de céder ses actions en cas de perte de sa qualité de salariée quelle qu’en soit la cause, étant précisé qu’en cas de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix serait fixé à dire d’experts dégradé d’un coefficient de 0.5.
Licenciée, la directrice commerciale estimait devoir percevoir l’intégralité de la valeur de ses actions, le licenciement ayant été qualifié d’abusif par la juridiction prud’homale pour être dépourvu d’une cause réelle et sérieuse. Pour contester la validité de son engagement de cession à prix décoté, elle invoquait notamment l’illicéité de sa cause, celle-ci résidant selon elle dans l’imputabilité de son licenciement.
Or, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris aux termes duquel la cause de la clause litigieuse n’est pas qualifiée d’illicite dans la mesure où celle-ci participe de l’équilibre général du contrat et s’inscrit dans un processus d’amélioration de l’intéressée mais également d’association à la gestion et d’intéressement au développement de la valeur de l’entreprise.
Cette décision se place donc dans la continuité de l’arrêt en date du 18 octobre 20052 qui avait consacré le principe selon lequel la cause d’un pacte d’associés peut valablement résider dans le désir d’établir une procédure de sortie de la société. Ayant précisé, en outre, que «la cause d’un pacte ne se confond pas avec les mobiles de l’actionnaire non plus qu’avec les chances de succès de l’opération». Seule une situation manifestement abusive peut donc conduire à invalider un tel engagement extra-statutaire, analysé selon la jurisprudence en une promesse unilatérale de vente3. C’est pourquoi, la cour d’appel de Paris avait, dans un arrêt en date du 14 décembre 20044, invalidé la cession forcée de titres au prix symbolique d’un euro dans le cadre de la rupture de la période d’essai de l’associé concerné, revenant pour l’associé à abandonner la totalité du montant de son apport.
Comme l’avait soulevé le professeur Claude Champaud, il semble que «dans l’esprit des magistrats, […] les promesses de vente ont pour finalité de permettre à la société de se séparer d’associés dont les manquements menacent directement le projet entrepreneurial. […] En dehors de faits objectifs et d’une gravité suffisante, la possibilité trop facilement acceptée d’exclure un associé bouleverserait les équilibres du droit sociétaire»5.
Ainsi, selon l’arrêt commenté, la cause de l’engagement de cession ne pourrait être qualifiée d’illicite par le seul fait que la perte de la qualité d’associé et la décote critiquée seraient liées au sort du contrat de travail de l’associé concerné.
Toutefois, ne pourrait-on pas craindre que le débat se déplace sur le terrain de la validité de telles clauses d’exclusion, lesquelles sont déclenchées par le seul effet d’une décision de licenciement, laissée au bon vouloir de l’organe de gestion ?
Il convient également de relever que l’arrêt commenté valide la décote appliquée sur le terrain du droit du travail et de la prohibition des sanctions pécuniaires visée par l’article L. 1331-2 du Code du travail, mais seulement dans la mesure où elle tend à s’appliquer à tous les cas de licenciement et ne vise donc pas à sanctionner un comportement fautif du salarié.
Notes
1. Cass. com., 7 juin 2016, n°14-17.978.
2. CA Paris, 3e ch. sect. A, 18 octobre 2005, RG 04/04322.
3. Cass. com., 6 mai 2014, n°13-17.349 et n°13-19.066.
4. CA Paris, 3e ch. sect. A, 14 décembre 2004, RG 03/21818.
5. Claude Champaud, RTD Com. 2005 p. 355.
Auteurs
Christophe Blondeau, avocat associé Corporate/Fusions & acquistions
Julie Bailly, avocat en Corporate/Fusions & acquistions