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Où coter ses obligations ?

Luxembourg

Pour répondre aux besoins de certains investisseurs, un émetteur peut être tenu de coter ses obligations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, organisé ou non. Selon la place de cotation choisie, les contraintes pour l’émetteur peuvent être plus ou moins grandes.

Marché réglementé. Pour faire admettre ses obligations aux négociations sur un marché réglementé, un émetteur doit rédiger un prospectus, conformément aux exigences de la Directive Prospectus 2003/71/CE du 4 novembre 2003. Le prospectus, qui doit le cas échéant comporter des comptes consolidés établis conformément aux normes IFRS, doit être approuvé par une autorité compétente (en France, l’Autorité des marchés financiers (AMF), au Luxembourg, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), etc.).

Encore récemment, de nombreux émetteurs français et leurs conseils privilégiaient le marché réglementé luxembourgeois et son régulateur, réputés moins contraignants. Les efforts des acteurs français, et en premier lieu des équipes de l’AMF, notamment à l’occasion du mouvement de rapatriement à Paris des programmes EMTN des émetteurs français, ont changé la donne.

Aujourd’hui, dès lors que l’information requise par la Directive Prospectus est fournie, une admission d’obligations aux négociations sur le marché réglementé d’Euronext à Paris s’obtient sans difficulté et dans des délais raisonnables, de sorte que les émetteurs français n’ont aujourd’hui plus d’intérêt à choisir une bourse étrangère pour accéder à un marché réglementé.

Système multilatéral de négociation. Pour les émetteurs français n’ayant pas accès à un marché réglementé, par exemple parce que leurs comptes consolidés ne sont pas établis conformément aux normes IFRS, le marché Euro MTF au Luxembourg, créé au moment de l’entrée en vigueur de la Directive Prospectus en juillet 2005, a rencontré un grand succès.

En France en effet, jusqu’à très récemment, les règles du marché Alternext étaient peu adaptées aux titres de créance (obligation pour l’émetteur de nommer un listing sponsor, de publier des comptes semestriels, etc.). Cette situation a aujourd’hui changé avec le lancement par Euronext en mars 2015 d’une nouvelle offre pour accompagner le mouvement de désintermédiation du financement, qui s’est traduit par une modification des règles d’Alternext. Pour coter ses titres de créance d’une valeur nominale d’au moins 100.000 euros sur Alternext, un émetteur est désormais dispensé de nommer un listing sponsor et de rendre public chaque année des rapports annuels et semestriels. L’avenir nous dira si cette initiative d’Euronext permettra à Alternext de concurrencer l’Euro MTF, mais il n’y a plus d’obstacle pour que le marché parisien ait sur son système multilatéral de négociation organisé le même succès que sur son marché réglementé. Sur Alternext comme sur l’Euro MTF, en l’absence d’offre au public, la cotation échappe à la Directive Prospectus. Si un document équivalent au prospectus (offering circular ou document d’information) doit être préparé et publié, il peut suivre un format plus simple que celui imposé par la Directive Prospectus : les comptes peuvent être établis selon les normes comptables nationales et il n’y a pas d’approbation à obtenir de l’AMF ou de la CSSF (c’est l’entreprise de marché, Euronext Paris ou la Bourse de Luxembourg, qui approuve le document).

Pour les émetteurs qui ont besoin de confidentialité, notamment sur leurs comptes, une admission aux négociations sur un marché réglementé ou une cotation sur Alternext ou l’Euro MTF n’est pas adaptée. Si les investisseurs peuvent se contenter d’une simple cotation technique, d’autres systèmes multilatéraux de négociation offrent une alternative. Plusieurs Euro PP ont ainsi été cotés sur l’Open Market (Freiverkehr) de la Bourse de Francfort ou, plus récemment, sur le Marché Libre d’Euronext. Sur ces deux marchés, les comptes des émetteurs n’ont pas à être communiqués au public. Le Marché Libre présente l’avantage de permettre l’utilisation du français pour le dossier d’admission (notamment pour les modalités des obligations). Le succès des émissions obligataires réalisées par Altrad en mai 2015 pour 150 millions d’euros et ITM Entreprises (groupe Les Mousquetaires) en avril 2015 pour 250 millions d’euros pourrait inciter d’autres émetteurs d’obligations à recourir au Marché Libre.

 

Auteur

Marc-Etienne Sébire, avocat associé, responsable du service marchés de capitaux.

 

*Où coter ses obligations ?* – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 8 juin 2015
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