L’obligation de payer les frais de réinstallation au locataire évincé
Aux termes de l’article L.145-14 du Code de commerce, l’indemnité d’éviction « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».
Dans l’affaire commentée, le bailleur d’un local commercial ayant délivré un congé avec offre d’indemnité d’éviction à son locataire, ce dernier l’avait assigné en fixation de l’indemnité. Il entendait y faire inclure ses frais de réinstallation et le montant de la perte de son stock.
La cour d’appel de Bastia (sur renvoi après cassation) avait rejeté ces demandes considérant, d’une part, que le locataire ne démontrait pas quels frais de réinstallation il pourrait avoir à exposer et, d’autre part, que la remise des clefs étant intervenue près de quatre années après la date d’effet du congé, le locataire avait eu la possibilité de vendre tout ou partie de ce stock pendant cette période.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif qu’il appartient, en vertu de l’article 1315, devenu 1353, du Code civil, au bailleur de prouver que le locataire d’un fonds non transférable ne se réinstallera pas dans un autre fonds ; à défaut, il est tenu de l’indemniser des frais de réinstallation, par application de l’article L.145-14 du Code de commerce. S’agissant des frais relatifs à la perte de stock, selon la Cour de cassation, le moment de la remise des clefs par le locataire n’est pas de nature à exclure le lien de causalité entre le non-renouvellement du bail et la perte d’au moins une partie du stock (Cass. 3e civ., 12 janvier 2017, n°15-25.939).
En d’autres termes, en cas de non-renouvellement d’un bail commercial, l’indemnité d’éviction due au locataire, tant dans l’hypothèse du remplacement du fonds de commerce que dans celle de son déplacement (Cass. 3e civ., 21 mars 2007, n°06-10.780), inclut les frais de réinstallation, sauf si le bailleur prouve que le locataire ne se réinstallera pas dans un autre fonds, cette preuve ne se présumant pas. Dans le même sens, la Cour de cassation a jugé, dans un précédent arrêt, que « le bailleur est tenu d’indemniser le preneur évincé d’un fonds non transférable des frais de recherche d’un nouveau droit au bail, de réinstallation et de mutation à exposer pour l’acquisition d’un fonds de même valeur, sauf s’il établit l’absence de réinstallation de la société locataire » (Cass. 3e civ., 17 novembre 2016, n°15-19.741).
La difficulté pour le bailleur est de rapporter la preuve de l’absence de réinstallation, lorsque, à la date où le juge statue sur le montant de l’indemnité d’éviction, le locataire se trouve toujours dans les locaux loués, comme l’y autorise l’article L.145-28 du Code de commerce.
L’indemnité d’éviction compense aussi la perte de stock causée par le non-renouvellement, si le locataire justifie d’un préjudice spécifique en résultant. En effet, le preneur doit être indemnisé de tous les préjudices qui sont la conséquence immédiate et directe du défaut de renouvellement du bail commercial. Cela implique que le bailleur ne pourra pas éviter tout lien de causalité entre la perte de stock alléguée et la délivrance du congé avec refus de renouvellement, même dans les circonstances particulières découlant du délai de restitution des locaux.
Auteur
Charlotte Félizot, avocat, droit des contrats de l’entreprise et droit immobilier