Les nouveautés 2016 en matière de droits de succession
L’année 2016 ne bouleverse pas la fiscalité successorale mais elle apporte quelques décisions favorables aux contribuables qui pourront les guider pour prendre leurs décisions patrimoniales en matière de transmission ou qu’ils pourront invoquer lors de contrôles fiscaux.
1. La Cour de cassation confirme la déductibilité de la dette de quasi-usufruit provenant de la distribution de réserves d’une société dont les titres sont démembrés
On sait qu’en cas de démembrement de titres (usufruit/nue-propriété), le bénéficiaire légal d’une distribution de réserves est le nu-propriétaire mais les fonds doivent en principe être versés à l’usufruitier (sauf accord des parties) à charge pour lui de rendre au nu-propriétaire une somme équivalente à la fin de l’usufruit. Cette dette de restitution de l’usufruitier envers le nu-propriétaire est appelée « dette de quasi-usufruit ».
S’agissant d’une dette de quasi-usufruit légale, la chambre commerciale de la Cour de cassation l’a jugée le 24 mai 2016 déductible de l’assiette de l’ISF. Cet arrêt confirme une décision précédente rendue en matière de droits de succession le 27 mai 2015.
Un arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 22 juin 2016 a pu jeter le trouble en indiquant que les bénéfices mis en réserves reviennent au seul nu-propriétaire. Selon nous, la première Chambre civile a simplement omis de rappeler qu’en cas de distribution, les fonds seront versés à l’usufruitier à charge de restitution. Nous considérons donc que cette décision n’est pas contraire aux précédentes.
2. En matière de passif fiscal, la cour d’appel de Douai décide le 12 mai 2016 que la manière dont le quasi-usufruitier utilise les fonds dont il a la disposition est indifférente au principe même de la dette de restitution
Une veuve, débitrice d’une dette de quasi-usufruit envers son fils à la suite du décès de son conjoint, avait souscrit des contrats d’assurance-vie et avait désigné son fils en tant que bénéficiaire. Selon l’administration fiscale, inscrire le fils comme bénéficiaire revenait pour la veuve à payer la dette de quasi-usufruit : la dette étant déjà éteinte par ce biais, elle ne pouvait, au décès de la veuve, être admise au passif de la succession de celle-ci. La Cour donne tort à l’Administration et juge que la désignation de l’héritier comme bénéficiaire des contrats ne constitue pas un moyen de paiement anticipé de la dette de quasi-usufruit.
3. En matière d’assurance-vie, les réponses ministérielles Ciot et Malhuret permettent aux souscripteurs de protéger leurs proches en toute sécurité fiscale
Il arrive fréquemment que des couples financent sur des fonds de communauté un contrat d’assurance-vie. Au moment du décès d’un époux, la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie souscrit par le conjoint survivant, par hypothèse non dénoué, se retrouve dans l’actif de la communauté et est inscrite au plan civil pour moitié dans l’actif successoral de l’époux décédé. Une réponse ministérielle Bacquet de 2010 avait précisé que les héritiers de l’époux décédé, le plus souvent les enfants, devaient supporter les droits de succession sur la fraction de la valeur de rachat du contrat non dénoué inscrite à l’actif de la succession. L’Administration abandonne cette solution défavorable et admet que les successeurs, n’ont pas à payer de droits de succession sur le contrat d’assurance-vie non dénoué. (réponse Ciot du 23 février 2016, intégrée au Bofip, qui abroge la solution contraire réponse Bacquet).
La réponse Malhuret du 22 septembre 2016 conforte la neutralité fiscale des clauses à options. Ces clauses permettent au bénéficiaire désigné en premier de choisir entre plusieurs options, par exemple 100%, 75% ou 50% du capital assuré, le reste étant recueilli par les bénéficiaires désignés en second. La réponse confirme que les droits de succession dus au titre de l’article 757 B du CGI sont liquidés en fonction du lien de parenté existant entre l’assuré et le second bénéficiaire. Il n’existe dès lors pas de donation indirecte entre le premier et le second bénéficiaire.
4. Peu de nouveautés en matière de transmission d’entreprises sous le régime de faveur Dutreil
L’exonération « Dutreil » de 75% pour les transmissions à titre gratuit d’entreprises implique en principe la conclusion d’un pacte « Dutreil » d’une durée minimale de deux ans. Sous certaines conditions, le pacte est « réputé acquis » et n’a donc pas à être formalisé. Lors d’une augmentation de capital par incorporation de réserves, les titres émis sont présumés être inclus dans un pacte « Dutreil » déjà existant. Ils profitent ainsi de l’antériorité du pacte et peuvent être transmis immédiatement sous le régime de faveur « Dutreil ». En revanche, dans une réponse ministérielle Féron du 2 août 2016, l’Administration a précisé qu’en l’absence de pacte, pour bénéficier du « réputé acquis », les titres issus de l’augmentation de capital doivent être détenus pendant au moins deux ans. Le « réputé acquis » ne permettrait donc pas de les transmettre immédiatement sous le régime de faveur.
Par ailleurs, l’exonération partielle « Dutreil » est applicable aux transmissions de holdings animatrices. Dans une réponse Frassa du 1er décembre 2016, l’Administration a notamment rappelé que la preuve de l’activité de holding animatrice doit résulter d’un faisceau d’indices, permettant d’établir la matérialité et l’effectivité du rôle animateur.
Auteur
Sylvie Lerond, avocat Counsel, Responsable du service Droit du Patrimoine.