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Nouveau BOFiP sur les dispositifs hybrides : des précisions mais encore beaucoup d’interrogations

Nouveau BOFiP sur les dispositifs hybrides : des précisions mais encore beaucoup d’interrogations

L’administration fiscale a publié le 15 décembre dernier ses commentaires sur les règles anti-hybrides issues de la loi de finances pour 2020. Ces dispositions codifiées aux articles 205 B à 205 D du Code général des impôts (CGI) transposent en droit interne les mesures de lutte contre les dispositifs hybrides élaborées par l’OCDE dans le cadre de l’action 2 du projet BEPS et mises en œuvre au sein de l’Union européenne par la directive ATAD 2.

Les règles anti-hybrides visent à faire obstacle aux dispositifs qui conduisent à des asymétries fiscales entre Etats telles que la déduction d’un paiement dans un Etat sans imposition corrélative dans un autre ou encore la déduction dudit paiement dans plusieurs Etats.

Si certaines précisions apportées sont bienvenues, les commentaires administratifs, qui n’ont pas été soumis à consultation publique, sont loin de répondre à toutes les difficultés pratiques soulevées par les règles anti-hybrides.

Retour sur quelques apports et incertitudes du nouveau BOFiP.

  1. Sur la notion d’entreprises associées

A l’exception des dispositifs dits « structurés », les règles anti-hybrides ne s’appliquent que dans le cadre de relations entre entreprises associées, entre un siège et son établissement ou entre plusieurs établissements d’une même entité.

La notion d’entreprise associée répond à une définition nouvelle, autonome, et distincte des liens de dépendance visés à l’article 39, 12 du CGI et du contrôle visé à l’article L.233-3 du code de commerce.

Sont considérées comme associées, les sociétés ayant en principe des liens capitalistiques d’au moins 50%[1] ou l’ensemble des entités comprises dans le périmètre d’un groupe consolidé. Mais l’exercice d’une influence notable ou d’un contrôle conjoint permet également de caractériser des entreprises associées.

L’administration fiscale rappelle que l’influence notable se caractérise par le pouvoir de participer aux politiques financières et opérationnelles d’une entité, sans en détenir le contrôle exclusif. Se référant à l’article L.233-17-2 du code de commerce, elle précise qu’une telle influence est présumée lorsqu’une société dispose, directement ou indirectement, d’une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote.

En pratique, on peut s’interroger : comment renverser cette présomption ? Prive-t-elle de facto d’effet le seuil de 50% précité ? Face au trouble suscité par cette précision administrative, la vigilance sera de mise en présence d’une participation de plus de 20% et l’exercice ou non d’une influence notable méritera d’être analysée.

A propos du contrôle conjoint, l’administration précise en revanche opportunément, et dans la lignée de la jurisprudence, que la conclusion d’un pacte d’actionnaires ne suffit pas nécessairement à caractériser l’existence d’une action conjointe.

On peut regretter que l’administration n’ait pas pris expressément position sur les modalités d’appréciation de la notion d’entreprise associée en présence de fonds d’investissement, à l’instar de ce qu’elle avait fait pour l’ancien dispositif de l’article 212 I-b du CGI.

  1. Sur la notion d’inclusion

Il y a déduction sans inclusion lorsqu’un paiement donne lieu à une déduction chez le débiteur sans entraîner la constatation d’un produit imposable dans le résultat fiscal du bénéficiaire du paiement.

L’administration fiscale souligne de façon bienvenue dans son BOFiP que l’existence d’une inclusion n’est pas remise en cause par le seul fait que le résultat dans lequel le paiement a été inclus soit imposé à un taux plus faible que le taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS) de l’État de résidence du bénéficiaire, ou même exonéré en application de la législation de cet Etat.

S’agissant des paiements au titre d’instruments financiers (pour lesquels une exonération ou un « allègement fiscal » fait en principe obstacle à l’inclusion), l’administration fiscale précise qu’un paiement sera reconnu comme inclus si l’exonération ou l’allègement fiscal accordé par la réglementation de l’Etat du bénéficiaire est uniquement fondé sur le statut fiscal du bénéficiaire. Ainsi, souligne le nouveau BOFiP, les régimes particuliers d’imposition applicables à certaines sociétés d’investissement comme les FCPR en France, aux sociétés holdings, aux sociétés d’administration et de services ou aux entités ayant le statut d’organismes coopératifs ne peuvent être assimilés à une absence d’inclusion.

  1. Sur les modalités de preuve

Il ressort du BOFiP que la charge de la preuve de l’absence d’asymétrie fiscale pèse sur les contribuables. Les éléments justificatifs ne doivent toutefois être apportés qu’à la demande de l’administration et n’ont pas à être joints spontanément par les sociétés à leurs liasses fiscales.

La preuve de l’absence de dispositif hybride peut être apportée par tout moyen et notamment, précise l’administration fiscale, grâce aux justificatifs suivants :

  • les écritures comptables de la société établie hors de France, retraçant les opérations en cause ;
  • la déclaration de résultats de la société établie hors de France, et le cas échéant, les documents de liquidation de l’impôt équivalent à l’IS dans l’Etat de résidence du bénéficiaire ;
  • une documentation établie par le contribuable, décrivant la législation applicable dans l’Etat de résidence de la société débitrice ou créancière située hors de France, et démontrant que le paiement n’a pas généré un effet d’asymétrie fiscale.

En pratique, la collecte des justificatifs auprès de sociétés étrangères, même lorsqu’elles appartiennent à un même groupe, pourrait s’avérer délicate dans certaines situations. A tout le moins pourrait-il être opportun de mettre en place des procédures permettant, au sein des groupes, le partage d’informations sur le traitement fiscal de certains paiements en application des législations locales.

 

  1. Sur les mesures de correction du résultat

En règle générale, la correction se traduit par la réintégration extra-comptable de la charge correspondant au paiement non inclus[2] à la clôture de l’exercice de constatation de la charge. Deux tolérances importantes sont néanmoins apportées par le BOFiP. Ainsi, l’administration admet que :

  • la correction n’a pas à être opérée lorsque l’inclusion du paiement dans le résultat imposable du bénéficiaire intervient entre la date de la clôture de l’exercice de constatation de la charge et la date limite de dépôt des liasses fiscales ;
  • lorsque la charge a été réintégrée extra-comptablement à défaut d’inclusion, la société concernée peut toutefois déduire fiscalement cette charge réintégrée lorsque l’inclusion correspondante intervient avant la clôture de l’exercice suivant la comptabilisation de la charge. Pour ce faire, la société procède, par voie de déclaration rectificative, à la correction du résultat de l’exercice au titre duquel la charge a été initialement constatée.

Le montant de la déduction à corriger est limité à la fraction du paiement non incluse par la (ou les) entreprise(s) associée(s). En d’autres termes, l’administration fiscale confirme que le quantum de la réintégration est limité à ce qui est nécessaire pour supprimer l’effet d’asymétrie.

En outre, les commentaires précisent opportunément que le caractère non déductible du paiement n’a pas pour conséquence de requalifier ledit paiement de revenus distribués pour le bénéficiaire.

  1. Sur les dispositifs hybrides inversés

Les hybrides inversés visent les entités constituées ou établies en France et qui y sont considérées comme fiscalement transparentes tandis qu’elles sont considérées comme opaques par l’État de résidence des associés, créant ainsi une asymétrie de traitement.

La loi exclut les organismes de placement collectif (OPC) « à participation large » du champ des hybrides inversés. L’administration vient préciser à cet égard que sont concernés les OPCVM ou les fonds d’investissement alternatif (FIA) ouverts à des investisseurs non professionnels et qui visent spécifiquement la possibilité d’être souscrits par « tous souscripteurs ».

A défaut d’inclusion, le paiement litigieux doit faire l’objet d’une réintégration extra-comptable en France, l’administration se bornant à indiquer que les revenus de l’entité hybride seront alors imposés, selon les cas, soit à l’IS, soit dans les conditions prévues à l’article 8 du CGI. Pour autant, les commentaires restent muets sur le choix du régime d’imposition comme sur les modalités pratiques de l’imposition applicable à des entités qui, compte tenu de leur transparence fiscale, seront en général structurellement exonérées d’IS.

Ces quelques morceaux choisis illustrent les zones d’ombre qui subsistent, malgré le nouveau BOFiP, pour l’application des règles anti-hybrides. Les contribuables comme les praticiens gagneraient à ce que l’administration y apporte des éclaircissements complémentaires, faute de quoi il reviendra au juge de préciser le fonctionnement des nouvelles mesures.

[1] Ce seuil étant toutefois abaissé à 25 % notamment pour les paiements au titre d’instruments financiers.

[2] Hypothèse de déduction sans inclusion.

Article paru dans Option Finance le 21/02/2022

Auteurs

Pierre Burg, avocat en droit fiscal

Alexia Cayrel, avocat en droit fiscal

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