De la nécessité de prévoir des clauses particulières lors de la mise à disposition d’un véhicule de fonction
25 novembre 2014
Il est indispensable de prévoir des dispositions particulières lorsqu’un véhicule de fonction est mis à disposition d’un salarié. Ces dispositions peuvent être soit envisagées dans le contrat de travail, soit dans le cadre d’une convention de mise à disposition du véhicule soit encore par accord collectif d’entreprise.
Vérification de la validité du permis de conduire
L’employeur doit s’assurer du respect des dispositions du Code de la route et notamment de la détention par chaque salarié appelé à conduire un véhicule d’un permis de conduire valide. A défaut, il engage sa responsabilité civile (reconnaissance d’une faute inexcusable, action en remboursement de l’assureur des sommes versées au titre de l’indemnisation, etc.) et pénale (infraction aux prescription d’hygiène et de sécurité du Code du travail, mise en danger d’autrui, homicide ou blessures involontaires, etc.), vis-à-vis du salarié lui-même, des autres salariés et des tiers victimes d’un accident impliquant un conducteur sans permis de conduire valide.
Aussi, il convient de prévoir une clause aux termes de laquelle le salarié reconnait qu’il est titulaire d’un permis de conduire à jour et valable durant toute la période de détention du véhicule. Il doit lui être indiqué qu’il devra régulièrement adresser à la société une attestation sur l’honneur précisant qu’il est titulaire d’un permis de conduire en cours de validité et qu’il dispose d’un solde positif de points. Il doit enfin lui être précisé qu’en cas de suspension, de suppression, de retrait, d’annulation du permis ou de perte de la totalité des points, il devra immédiatement en aviser par écrit la société et ne plus utiliser le véhicule.
Restitution du véhicule en cas de suspension du contrat de travail (maladie, congé maternité, congé parental, etc.)
Un véhicule de fonction, que le salarié peut utiliser à titre personnel et permanent constitue un avantage en nature, donc un élément de rémunération, qui ne peut être modifié sans son consentement.
Selon la jurisprudence, le véhicule de fonction, dont le salarié conserve l’usage dans sa vie personnelle, ne peut pas être retiré au salarié pendant une période de suspension du contrat de travail.
Dans un arrêt en date du 2 avril 2014, la Cour de cassation a rappelé que le véhicule de fonction ne peut en principe être retiré à l’intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail, «sauf stipulation contraire» (voir également dans le même sens un arrêt du 24 mars 2010).
Dans la mesure où la jurisprudence vise «toute stipulation contraire», et non pas uniquement «toute stipulation contractuelle», une convention de mise à disposition du véhicule, un accord collectif ou toute autre norme collective (convention collective) doit aussi pouvoir prévoir ce type de mesures. Ainsi, une clause pourra préciser les conditions de restitution du véhicule (par exemple en cas d’arrêt de travail prolongé d’une durée de plus de x semaines).
Prise en charge de l’entretien du véhicule et incidences des accidents et des contraventions
La jurisprudence admettant la licéité des clauses prévoyant une participation du salarié aux frais d’entretien, il peut être prévu que l’entretien du véhicule ainsi que les révisions périodiques de son véhicule de fonction incomberont au salarié.
Toutefois, si le salarié a un accident avec un véhicule de l’entreprise, les parties ne peuvent convenir que le coût de la réparation sera retenu sur le salaire, sauf en cas de faute lourde (arrêt du 30 septembre 2014).
De même, il ne peut être envisagé de demander au salarié de payer la franchise prévue par l’assurance de l’employeur.
Il ne peut également pas être envisagé de demander au salarié de payer des contraventions afférentes à un véhicule professionnel ou de procéder à une retenue sur le salaire ou sur les indemnités de rupture (en dehors d’une faute lourde). En effet, lorsqu’un salarié commet un excès de vitesse avec un véhicule professionnel immatriculé au nom de l’entreprise, c’est le représentant légal de celle-ci qui est redevable de l’amende (sans perte de points possible), dès lors que le salarié ne peut être identifié. Toutefois, l’employeur, titulaire de la carte grise, n’est pas redevable de l’amende s’il peut prouver que c’est l’un de ses salariés qui conduisait le véhicule au moment de l’excès de vitesse. Il en va de même lors d’une infraction sur le stationnement ou sur l’acquittement des péages (cf. article «Faut-il payer les contraventions de ses salariés ?» – Marie-Pierre Schramm, Les Echos Business du 21/05/2013).
C’est pourquoi, une clause prévoyant le principe d’une retenue sur salaire ou sur les indemnités de rupture ne peut être prévue qu’en présence d’une faute lourde entrainant la responsabilité pécuniaire du salarié afin d’obtenir le remboursement des frais de remise en état du véhicule en cas d’accident, de la franchise et des contraventions. Toutefois, «l’intention de nuire à l’entreprise ou à l’employeur» peut être particulièrement difficile à prouver.
Restitution du véhicule à la fin du contrat de travail
La rupture du contrat de travail suppose à terme la restitution du véhicule dans la mesure où cet avantage n’est qu’un accessoire au contrat de travail.
Il reste toutefois opportun de prévoir par écrit la restitution du véhicule au terme du préavis ainsi que les modalités de restitution, par exemple le lieu (au siège de la société ou du concessionnaire), l’état du véhicule (propreté intérieure et extérieure par exemple), étant souligné que le salarié qui quitte l’entreprise n’a pas à assumer les coûts de remise en état. La jurisprudence en effet n’admet pas qu’une clause puisse prévoir que les frais de remise en état soient à la charge du salarié (sauf en cas de faute lourde du salarié).
En cas de dispense de préavis, à la différence de la suspension du contrat de travail, le véhicule de fonction, dont le salarié conserve l’usage dans sa vie personnelle, ne peut pas être retiré au salarié : le salarié peut continuer à utiliser son véhicule de fonction jusqu’à la date à laquelle le contrat de travail prend fin (voir arrêt du 25 octobre 2007) et ce même en cas d’engagement contractuel du salarié de restituer le véhicule (arrêt du 11 juillet 2012). De même, la police d’assurance souscrite pour les risques privés et professionnels, ne peut être résiliée avant la fin du préavis dont le salarié a été dispensé
Auteur
Anne-Claire Hopmann, avocat en matière de droit social
Article paru dans Les Echos Business le 24 novembre 2014
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