Montant des sanctions : pas d’incidence systématique de l’appartenance à un groupe
On se souvient que la Cour de cassation avait censuré en février 2014 la cour d’appel de Paris dans l’affaire de la restauration des monuments historiques pour avoir confirmé la décision de l’ADLC qui avait majoré, au titre de l’impératif de dissuasion, la sanction infligée à une société en raison de son appartenance à un groupe d’envergure, sans toutefois que les infractions commises aient été imputées à la société « tête » du groupe.
La cour d’appel de Paris s’était vu reprocher de ne pas avoir recherché si l’appartenance au groupe avait joué un rôle dans la mise en œuvre des pratiques ou était de nature à influer sur l’appréciation de la gravité des pratiques (arrêt du 18 février 2014, voir Lettre Concurrence/Economie de mai 2014).
Pareille censure avait été réitérée par la Cour de cassation en octobre 2014 à propos d’un contentieux relatif à des pratiques concertées mises en œuvre dans le cadre d’appels d’offres sur le marché des travaux d’électrification. Statuant sur renvoi dans ce dossier, la cour d’appel de Paris a, cette fois-ci, réduit l’amende infligée à deux des entreprises condamnées. L’ADLC avait en effet majoré le montant de l’amende en raison de l’appartenance des deux sociétés à un groupe dont le chiffre d’affaires était particulièrement important, alors même qu’elle avait estimé que les intéressées disposaient d’une complète autonomie pour déterminer leur politique commerciale et, qu’en conséquence, il n’y avait pas lieu d’imputer à leur société mère les pratiques litigieuses.
Après avoir rappelé que le constat qu’une entreprise appartient à un groupe ne saurait conduire, à lui seul, à relever le montant de la sanction qui lui est infligée, la Cour d’appel a considéré que la majoration n‘était pas justifiée dès lors qu’aucun élément concret du dossier ne permettait de « considérer que le comportement des deux sociétés aurait été influencé ou facilité du fait de leur appartenance à un groupe d’envergure importante, ou que ce groupe aurait été particulièrement reconnu dans le domaine concerné par les pratiques litigieuses ou encore que cette appartenance aurait permis à ces sociétés d’entraîner dans les pratiques en cause des entreprises d’importance moindre ».
Cette décision paraît bien confirmer qu’en l’absence d’imputation préalable du comportement de la filiale à la société tête du groupe, la démonstration d’une influence exercée par le groupe sur la Commission des infractions, seule susceptible de justifier une majoration par l’ADLC de la sanction au titre de l’appartenance au groupe, risque d’être, si ce n’est impossible, bien délicate en pratique pour cette dernière.
CA Paris 21 janvier 2016 n°2014/22811
Auteurs
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris
Virginie Coursière-Pluntz, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris, en droit de la concurrence et en droit européen tant en conseil qu’en contentieux.