Loi Sapin II – Volet Anticorruption
L’un des apports majeurs de la loi n°2016-1691, dite « loi Sapin II », relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique consiste en de nouvelles mesures anticorruption qui ont vocation à modifier le comportement des entreprises établies en France. Ce texte, promulgué le 9 décembre 2016, a été adopté après un long débat parlementaire suivi d’un contrôle de constitutionnalité qui a notamment porté sur, d’une part, l’obligation de certaines entreprises d’adopter un programme anticorruption et, d’autre part, l’instauration d’un dispositif de protection des lanceurs d’alerte.
La loi Sapin II a ainsi pour objectif de doter la France de programmes anti-corruption et de mesures de lutte efficaces, empruntés aux standards anglo-saxons. Elle se veut un dispositif moderne et fonctionnel de prévention et de lutte contre la corruption.
La nouvelle loi prévoit, tout d’abord, la création d’une Agence anticorruption en charge de la prévention et de la détection des faits de corruption sur le territoire national. Cette nouvelle instance aura de larges pouvoirs de conseil, de contrôle et d’enquête sur les procédures mises en œuvre par les acteurs privés et publics pour prévenir la corruption.
Ensuite, ont été validées par le Conseil constitutionnel l’essentiel des mesures dédiées à la protection des lanceurs d’alerte et à la procédure de signalement d’une alerte ainsi que l’obligation de mettre en place des mesures de prévention de la corruption dans les grandes entreprises (décision 2016-741 DC du 8 décembre 2016).
Protection des lanceurs d’alerte
Le chapitre 2 (articles 6 à 15 de la loi Sapin II) relatif à la protection des lanceurs d’alerte fixe un socle de dispositions communes applicables à toute personne physique qui révèlerait ou signalerait un crime, un délit ou bien une violation grave et manifeste de la loi, du règlement, d’un engagement international ou d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement. Peuvent également être signalés dans ce cadre les menaces ou préjudices graves pour l’intérêt général.
Le Conseil constitutionnel a néanmoins précisé que le dispositif se limitait aux lanceurs d’alerte procédant à un signalement visant l’organisme qui les emploie ou l’organisme auquel ils apportent leur collaboration dans un cadre professionnel. Ainsi, la loi ne s’applique pas aux lanceurs d’alertes externes.
L’article 8, qui institue une procédure à suivre pour le signalement d’une alerte, impose également aux entreprises de 50 salariés ou plus de mettre en place une procédure appropriée de recueil des signalements émis par le personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels dans des conditions fixées par un décret du Conseil d’Etat à paraître. L’entrée en vigueur de ce volet de la loi est conditionnée à la parution de ce décret.
Par ailleurs, l’article 9 établit un régime protecteur garantissant une pleine confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par les signalements et des informations recueillies. Les lanceurs d’alerte sont également protégés contre les représailles de leur employeur (procédure disciplinaire, licenciement, mesure discriminatoire, etc.).
Prévention de la corruption dans les grandes entreprises
L’article 17 de la loi impose aux sociétés et groupes de sociétés, dont la société mère a son siège social en France, et aux établissements publics à caractère industriel et commercial d’au moins 500 salariés et générant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, de prendre des mesures destinées à prévenir et à détecter des faits de corruption ou de trafic d’influence en France ou à l’étranger.
Les entreprises entrant dans le champ d’application de la loi Sapin II disposent d’un délai de 5 mois environ, jusqu’au 1er juin 2017, pour se doter des outils idoines.
Le Conseil constitutionnel a notamment statué sur l’étendue du champ d’application de l’article 17 au regard des groupes de sociétés. L’expression « groupes de sociétés » doit être entendue comme désignant l’ensemble formé par une société et ses filiales au sens de l’article L.233-1 du Code de commerce ou comme l’ensemble formé par une société et celles qu’elle contrôle au sens de l’article L.233-3 du même code.
Une série de huit mesures doit donc être mise en œuvre très rapidement. Elle implique l’établissement :
- d’un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire ;
- d’un dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements ;
- d’une cartographie des risques corruptifs ;
- de procédures d’évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang ainsi que des intermédiaires ;
- de procédures de contrôle internes ou externes ;
- d’un dispositif de formation des employés les plus exposés ;
- d’une procédure disciplinaire en cas de violation du code de conduite de l’entreprise ; ainsi que
- d’un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
Une peine complémentaire de mise en conformité (correspondant à l’obligation de mise en place d’un programme de monitoring) peut être imposée au titre du nouvel article 131-39-2 du Code pénal, pour une durée maximale de 5 ans, afin de s’assurer de l’existence et de la mise en œuvre desdites mesures définies à l’article 17 de la loi Sapin II.
Enfin, les sanctions financières applicables ont été durcies et peuvent désormais s’élever à 1 million d’euros pour les personnes morales (en cas de violation de l’article 17 de la loi) et même à une amende de 30% du chiffre d’affaires moyen annuel sur la base des trois derniers chiffres d’affaires annuels connus en cas de conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public. Cette convention, assimilable à une transaction à caractère pénal, s’apparente au « deferred prosecution agreement » américain. Elle fait donc une entrée remarquée dans le droit français.
Auteur
Stéphanie de Giovanni, avocat, membre du Barreau de New York, Distribution et contrats internationaux.