L’information, élément déterminant du bon achèvement de la consultation du CSE sur les opérations de cession
24 décembre 2020
Depuis plus de sept ans, les délais de consultation des représentants du personnel sont strictement encadrés et offrent une réelle prévisibilité pour les entreprises dans la conduite notamment de leurs opérations d’acquisition et de cession. Corollaire de ce droit, l’obligation pour ces entreprises de fournir une information complète et précise sur les opérations en cause (1). A défaut, les délais de consultation peuvent être suspendus par le Tribunal judiciaire dans l’attente de sa remise (2), voire ne pas commencer à courir (3), et la cession des titres est susceptible – comme dans la récente affaire Veolia/ SUEZ (4) – d’être bloquée par les juges.
Cette question de la qualité et de la suffisance de l’information est désormais au cœur des litiges afférents à cette procédure de consultation dès lors qu’elle constitue le seul levier dont disposent les représentants du personnel pour faire valoir leurs droits ou tenter de s’opposer, en les différant, à ces opérations. Le CSE peut être ainsi fondé à obtenir des données comptables nécessaires à l’évaluation du prix de cession (5) ou encore une documentation complète relative à la stratégie et au projet industriel à venir du groupe et au business plan afférent (6).
«Le CSE peut être ainsi fondé à obtenir des données comptables nécessaires à l’évaluation du prix de cession ou encore une documentation complète relative à la stratégie et au projet industriel à venir du groupe et au business plan afférent.»
Opérations de cessions et qualité de l’information
Dans ce cadre, la qualité de l’information transmise dès le commencement de ces procédures de consultation est déterminante de leur bon déroulement. A cet égard, et en l’absence de précision particulière de la règlementation, la satisfaction de cette obligation pour les opérations de cession nécessite que soient abordés les points suivants :
-
- présentation des parties à l’opération (historique, principaux chiffres, localisation et éléments clefs de leur stratégie) ;
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- motivations de l’opération, tant pour le cédant que pour le cessionnaire (intérêt industriel/financier/patrimonial/stratégique, etc.) ;
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- raisons pour lesquelles des solutions alternatives ont le cas échéant été écartées ;
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- présentation des modalités juridiques, financières et opérationnelles de l’opération ;
-
- et exposé de ses conséquences sociales. Les représentants du personnel portent bien entendu une attention toute particulière à ce dernier point qui doit traiter la question de l’impact de l’opération tant sur l’emploi (maintien ou non des effectifs) que sur les conditions de travail (déménagement, nouveaux outils, etc.) et le statut du personnel (contrats, normes collectives, avantages sociaux, etc.).
Expertise et transparence
La compréhension de cette information peut être enfin facilitée par le recours à différents types d’expert :
-
- l’expert dit «libre», qui a accès aux seules informations à la disposition du comité et qui est rémunéré par celui-ci (7) ;
-
- l’expert sur les conditions de travail, si l’opération est constitutive d’un projet important modifiant les conditions de travail (8), qualificatif qui ne peut être écarté pour toutes les opérations de cession ;
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- ou encore l’expert-comptable dont la prise en charge financière par l’employeur peut intervenir de façon indirecte : soit s’il est, par exemple, déjà désigné pour examiner la politique financière (9) sans avoir achevé sa mission à la date à laquelle intervient la procédure de consultation ; soit si l’opération est constitutive d’une opération de concentration, auquel cas il peut être spécifiquement désigné à ce titre(10). Autant d’intervenants extérieurs qui peuvent directement ou indirectement contribuer à obliger les entreprises à faire montre d’une réelle transparence sur les tenants et aboutissants de l’opération projetée.
1. C. trav., art. L.2312-15, al. 2; Directive 2002/14/CE, art. 4.
2. Cass. soc. 27 mai 2020, n° 18-26.483.
3. Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 17-23.025.
4. CA Paris, 19 novembre 2020, n° 438/2020.
5. Cass. soc., 16 avril 1996, n° 93-15.417.
6. CA Paris, 31 juillet 2009, n° 09/14577.
7. C. trav., art. L.2315-81.
8. C. trav., art. L.2315-94, 2°.
9. C. trav., art. L.2315-88 .
10. C. trav., art. L.2315-92, 1°.
Article paru dans La lettre des Fusions-Acquisitions de décembre 2020
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