Limitations aux travaux sur construction irrégulières
En l’espèce, un permis de construire relatif à la réalisation de travaux d’extension d’une habitation (surélévation et augmentation de la surface de plancher) et un permis de construire modificatif avaient été délivrés par le maire de Grasse.
Par la suite, les deux permis avaient été annulés par le tribunal administratif aux motifs que la construction existante n’était pas conforme à certaines dispositions du plan local d’urbanisme et que les conditions d’autorisation de travaux sur une construction irrégulière n’étaient pas remplies.
Les pétitionnaires avaient alors porté l’affaire devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat rappelle, tout d’abord, le principe issu de la jurisprudence Sekler (CE, sect., 27 mai 1988, n°79530) selon lequel : « Lorsqu’une construction existante n’est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d’un plan local d’urbanisme régulièrement approuvé, un permis de construire ne peut être légalement délivré pour la modification de cette construction, sous réserve de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, que si les travaux envisagés rendent l’immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ou s’ils sont étrangers à ces dispositions ».
La condition afférente aux travaux étrangers aux dispositions réglementaires méconnues fait généralement l’objet d’une appréciation peu favorable au pétitionnaire. Toutefois, le Conseil d’Etat opère ici une distinction entre les différentes méconnaissances au plan local d’urbanisme invoquées par les requérants.
Ainsi, à l’égard de méconnaissances des dispositions du plan local d’urbanisme intéressant les aires de stationnement, le Conseil d’Etat considère que les travaux d’extension, mais non de création de logements, doivent être regardés comme étrangers aux dispositions d’un plan local d’urbanisme imposant un nombre minimal de places de stationnement par logement. En conséquence, les autorisations d’urbanisme litigieuses ne pouvaient être annulées sur ce fondement.
En revanche, s’agissant de la méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme relatives à l’implantation des constructions par rapport aux voies ouvertes à la circulation, le Conseil d’Etat retient la position inverse et décide qu’en ayant relevé que : « Les travaux projetés par le permis de construire litigieux, qui comportaient une surélévation d’un bâtiment implanté à l’alignement de la voie publique, n’étaient pas étrangers aux dispositions précitées de l’article UJ 6 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune, qui prescrivent que les constructions doivent être réalisées à cinq mètres au moins de l’alignement de la voie publique, pour en déduire que, n’ayant pas rendu ce bâtiment plus conforme à ces dispositions, ces travaux ne pouvaient être légalement autorisés, le tribunal administratif […] n’a pas commis d’erreur de droit ». C’est donc sur ce fondement que le Conseil d’Etat décide de rejeter le pourvoi.
Soulignons par ailleurs que, dans le cadre de son pourvoi, le pétitionnaire reprochait au tribunal administratif de ne pas avoir fait application des dispositions de l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme (devenu depuis l’article L.421-9) aux termes duquel : « Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».
Le Conseil d’Etat juge ce moyen inopérant. Il précise d’abord que cet article n’est pas d’ordre public. Ainsi, le tribunal administratif n’était pas tenu de le relever d’office. Il indique ensuite que ce moyen « n’est pas né du jugement attaqué ». Pour être efficace, ce moyen aurait donc dû être invoqué avant le pourvoi en cassation.
Auteur
Christelle Labadie, Professional support lawyer, droit de la construction et droit de l’urbanisme