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Les sanctions pécuniaires prononcées par les commissions de sanctions sont-elles assurables ?

Les sanctions pécuniaires prononcées par les commissions de sanctions sont-elles assurables ?

La transposition française1 de la Directive européenne luttant contre le blanchiment et le financement du terrorisme (« LCB-FT »)2 pose les principes de lourdes sanctions pécuniaires contre les personnes physiques responsables au sein des établissements assujettis.


En outre, alors que les commissions des sanctions concernées par le sujet LCB-FT tiraient jusqu’à présent leurs pouvoirs de sanction de leurs seules compétences organiques3, les nouveaux textes leur offrent de nouveaux pouvoirs spécifiquement dédiés aux manquements à la vigilance LCB-FT. Ainsi, la Commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (l’ « ACPR ») peut aujourd’hui prononcer à l’encontre de la personne responsable LCB-FT une sanction pécuniaire, « soit à la place, soit en sus des sanctions prévues [au titre des compétences organiques de l’ACPR] »4, pouvant s’élever jusqu’à 5 millions d’euros, dès lors que la responsabilité directe et personnelle de l’intéressée est retenue.

Si la transposition opérée ne s’est pour le moment attardée que sur les personnes soumises au contrôle de l’ACPR, les textes européens ont fixé des plafonds minima qui, une fois transposés, vont impacter toutes les personnes physiques responsables LCB-FT dont les établissements assujettis ont la charge (sociétés de gestion, agents immobiliers, casinos, etc.).

Tous les établissements assujettis doivent ainsi désormais faire preuve de prudence, en veillant à ce que leur dispositif de gouvernance comprenne notamment une organisation claire assurant un partage des responsabilités bien défini. En cas contraire, ils s’exposent à la sanction disciplinaire pour manquement à l’obligation d’une gouvernance qui doit clairement établir les responsabilités au sein d’un établissement assujetti.

Au vu des montants importants des sanctions pécuniaires encourues, on peut s’interroger sur la capacité des établissements assujettis d’assurer les personnes physiques susceptibles d’être déclarées personnellement responsables. Dans le silence des textes européens et français sur cette question, on peut douter que le marché de l’assurance prenne clairement position sur ce sujet et on peut penser qu’il reviendra à la jurisprudence de trancher la question.

En l’occurrence, s’il est historiquement établi que les sanctions de nature pénale ne sont pas assurables, la question de l’assurabilité des sanctions disciplinaires est plus débattue, en raison de leur nature administrative et du but de la sanction, qui peut différer de la sanction pénale. Sans trancher le débat de façon claire, les tribunaux ont parfois considéré que les sanctions disciplinaires étaient quasi pénales, du fait que les justiciables pouvaient revendiquer des droits identiques (droits de défense et proportionnalité des peines notamment ), tout en soulignant qu’elles n’étaient pas entièrement assimilables aux sanctions pénales.

C’est notamment dans cette différence de traitement que des arguments juridiques au soutien de l’assurabilité des sanctions disciplinaires peuvent être trouvés.

Un autre argument en faveur de l’assurabilité des sanctions disciplinaires tient au fait qu’en droit des assurances, l’assureur doit répondre de l’ensemble des pertes et dommages de l’assuré, sauf lorsque ce dernier commet une faute intentionnelle ou dolosive. Dans un arrêt du 14 juin 2012 , la Cour de cassation a ainsi déduit de la seule faute intentionnelle d’une personne physique que la sanction disciplinaire prononcée n’était pas assurable. Cet arrêt est essentiel dans la mesure où par le passé, la haute juridiction fondait son rejet de l’assurabilité de ces sanctions par la seule contrariété à l’ordre public fixé par le code civil.

A l’avenir, on peut ainsi espérer que la démonstration par le responsable LCB-FT qu’il a toujours entendu respecter la vigilance attendue par les textes s’appliquant à lui et qu’il n’a pas agi avec une intention dolosive, lui permettra d’être indemnisé des sanctions pécuniaires qui seront, le cas échéant, mises à sa charge.

Notes

1 Ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016.
2 Directive 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.
3 Enoncées au livre VI du Code monétaire et financier (le « CMF »).
4 Nouvel article L. 561-36-1 du CMF.

 

Auteurs

Alexandre Marion, avocat, droit bancaire et financier.

Pauline Robin, juriste, droit bancaire et financier

 

Les sanctions pécuniaires prononcées par les commissions de sanctions sont-elles assurables ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 9 octobre 2017
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