Les mesures sociales de la loi ASAP
11 décembre 2020
Publiée au Journal officiel le 8 décembre 2020, la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) contient plusieurs mesures destinées à favoriser le développement des dispositifs d’épargne salariale (participation, intéressement, plan d’épargne entreprise (PEE) et plan d’épargne interentreprises (PEI)) et à les sécuriser. Focus sur ses principales mesures.
Obligation de négociation des branches professionnelles (art. 118)
Pour favoriser l’accès des TPE/PME aux dispositifs de participation et d’intéressement, la loi n° 2015-990 du 6 aout 2015, dite « loi Macron », a institué l’obligation pour les branches professionnelles d’engager des négociations en matière d’épargne salariale avant le 31 décembre 2017. Plusieurs fois reportée, cette date butoir pour l’engagement de négociations au niveau de la branche est désormais fixée par la loi ASAP au 31 décembre 2021.
Modification des conditions d’application des accords de branche d’épargne salariale (art. 118)
Jusqu’à présent, pour appliquer les stipulations d’un accord de branche instituant un dispositif d’épargne salariale, une entreprise devait soit conclure un accord selon les modalités applicables aux dispositifs d’épargne salariale – si son effectif était au moins égal à 50 salariés -, soit prendre une décision unilatérale dans le cas contraire.
Les accords de branche instituant des mécanismes d’épargne salariale devront désormais être agréés par l’Administration, pour que les entreprises puissent les appliquer. Un décret fixe les conditions et le délai de délivrance de l’agrément. Le silence gardé par l’Administration au terme de ce délai vaut décision d’agrément.
Au cours du délai d’examen de l’accord de branche, l’Administration peut demander le retrait ou la modification des dispositions de l’accord contraires aux dispositions légales.
Une fois agréé, les entreprises peuvent adhérer au dispositif institué par l’accord de branche :
-
- en concluant un accord à leur niveau selon les modalités définies pour la mise en place des dispositifs d’épargne salariale, quel que soit l’effectif de l’entreprise ;
-
- en signant un document unilatéral d’adhésion dans les entreprises de moins de 50 salariés, à la condition que l’accord de branche prévoit cette possibilité et propose, sous forme d’accord-type indiquant les différents choix laissés à l’employeur, des stipulations spécifiques applicables à ces entreprises.
L’employeur devra alors informer le comité social et économique (CSE) de cette adhésion ainsi que les salariés par tout moyen.
L’accord conclu ou le document unilatéral d’adhésion signé doit être déposé auprès de l’autorité administrative dans les conditions prévues pour les accords d’épargne salariale via la plateforme téléaccords.
A l’issue d’une période de contrôle, dont la durée sera fixée par décret, durant laquelle l’autorité administrative peut demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux clauses légales, les stipulations de l’accord agréé ne peuvent plus faire l’objet de contestation ultérieure quant à leur conformité aux dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion. Ainsi, les exonérations de cotisations attachées aux différents dispositifs d’épargne salariale mis en place sont réputées acquises aux salariés des entreprises adhérentes à l’accord de branche agréé, dès le dépôt et pour la durée d’application de l’accord ou du document unilatéral d’adhésion à cet accord. S’agissant de l’intéressement, cette sécurisation est cependant conditionnée au fait que l’adhésion ait été conclue ou signée dans le délai de conclusion d’un accord d’intéressement, c’est-à-dire avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant sa date de prise d’effet (C. trav., art. L.3312-8).
La loi ASAP ne précise pas les conditions d’entrée en vigueur du nouveau dispositif d’agrément. Il y a donc lieu de considérer que ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi et qu’elles ne peuvent pas remettre en cause les accords de branche conclus antérieurement.
Modification des conditions d’application des accords d’entreprise d’épargne salariale à compter du 1er septembre 2021 (art. 119)
Actuellement, le contrôle de légalité des accords d’entreprise est réalisé conjointement par la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont relève l’entreprise.
Pour les accords d’intéressement et de participation et les règlements de plan d’épargne déposés à compter du 1er septembre 2021, la loi ASAP prévoit un contrôle en deux étapes distinctes (loi art. 119, I, 2° ; C. trav., art. L.3345-2 modifié) :
-
- un contrôle de la Direccte portant sur les formalités de dépôt et les modalités de négociation, de dénonciation et de révision des accords. Elle délivrera, dans un délai fixé par décret, un récépissé qui atteste du dépôt d’un accord ou d’un règlement validement conclu. En l’absence de ce récépissé, s’il n’y a pas eu de demande de pièces complémentaires ou d’observations de sa part dans le délai imparti, l’accord ou le règlement sera aussi réputé validement conclu. La Direccte transmettra alors le texte déposé et, le cas échéant, son récépissé à l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale ;
-
- à partir de cette transmission, un contrôle de l’URSSAF portant sur le contenu de l’accord ou du plan. Elle disposera d’un délai également fixé par décret pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales.
En cas de silence gardé par l’URSSAF pendant le délai qui lui est imparti pour demander le retrait ou la modification des clauses des accords contraires aux dispositions légales, la conformité de l’accord ne peut plus être contestée et les exonérations fiscales et sociales sont sécurisées :
-
- pour les exercices en cours ou antérieurs à la contestation ;
-
- pour les exercices ultérieurs à celui du dépôt s’agissant de l’accord d’intéressement, en l’absence d’observations dans le délai supplémentaire de deux mois dont dispose l’URSSAF pour formuler ses observations.
Cette nouvelle procédure de contrôle suppose la publication d’un décret fixant le délai d’examen applicable à chaque étape.
L’accord d’intéressement conclu pour une durée comprise entre un et trois ans (art. 121)
A compter du 9 décembre 2020, les accords d’intéressement pourront être conclus pour une durée comprise entre un et trois ans et seront tacitement reconductibles pour une durée égale à leur durée initiale (C. trav., art. L.3312-5 modifié).
A l’origine, les accords d’intéressement devaient être conclus pour une durée de trois ans et pouvaient faire l’objet d’une reconduction tacite pour la même durée.
Par dérogation à cette disposition, il était prévu que certains accords conclus entre le 1er janvier 2020 et le 31 août 2020 puissent porter sur une durée comprise entre un et trois ans (L. n°2019-1446 du 24 décembre 2019, art. 7, tel que modifié par l’ordonnance n°2020-385 du 1er avril 2020).
Cette dérogation a, par la suite, été pérennisée, à compter du 19 juin 2020, pour les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical et de CSE mettant en place un régime d’intéressement par décision unilatérale (L. n°2020-734 du 17 juin 2020, art. 18 – JO du 18).
Cette disposition, moins contraignante, devrait favoriser la mise en place d’accords d’intéressement au sein d’entreprises qui ne peuvent définir sur plusieurs années une formule de calcul unique.
PEI : instauration et adhésion par décision unilatérale (art.122)
Jusqu’à présent, un PEI institué entre plusieurs employeurs pris individuellement pouvait être mis en place soit par accord collectif, soit par accord conclu au sein du CSE, soit par une ratification à la majorité des deux tiers du personnel.
En l’absence d’institutions représentatives du personnel ou en cas d’échec des négociations, la loi ASAP prévoit désormais la possibilité de mettre en place un PEI également par une décision unilatérale de l’employeur.
Dans ce cas, l’employeur sera tenu de communiquer la liste nominative de la totalité de ses salariés à l’établissement auquel est confié la tenue des comptes des adhérents, à charge pour ce dernier d’informer nominativement par courrier chaque salarié de l’existence d’un PEI dans l’entreprise (C. trav., art. L.3333-3-1 nouveau).
Ainsi, ces nouveautés s’ajoutent aux adaptations du régime de l’intéressement prévues par les décrets n° 2020-683 du 4 juin 2020 et n° 2020-795 du 26 juin 2020. Pour rappel, ces décrets ont notamment :
-
- pris acte de la suppression de l’obligation de consultation du CSE sur le projet d’accord d’intéressement ;
-
- créé un nouveau cas de déblocage des sommes placées sur leur plan d’épargne d’entreprise en cas de situation de violence conjugale ;
-
- prévu la possibilité de dénoncer ou de conclure un avenant à l’accord d’intéressement selon l’une des quatre modalités de droit commun prévues pour sa mise en place lorsque cette modification ou dénonciation dans la même forme que sa conclusion est impossible du fait la disparition d’un ou plusieurs signataires d’origine ;
-
- prévu la possibilité de remettre par voie électronique, sauf opposition du salarié, la fiche distincte du bulletin de paie, lors du versement de l’intéressement et de la participation.
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