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L’échange automatique d’informations en matière fiscale et nouvel ordre fiscal: Andorre et Monaco, des principautés en mouvement

L’échange automatique d’informations en matière fiscale et nouvel ordre fiscal: Andorre et Monaco, des principautés en mouvement

Les principautés d’Andorre et de Monaco ont ratifié les accords OCDE et Européens de coopération administrative et d’échange automatique d’informations en matière fiscale. Les premiers échanges automatiques d’information sont prévus pour septembre 2018. Détail et portée de ces échanges.

Depuis 2008, les pays de l’OCDE, après avoir augmenté les prélèvements sur les revenus dits « immobiles » (revenus des résidents fiscaux de leur juridiction), décident sous la pression légitime des opinions publiques de s’intéresser aux revenus dits « mobiles » et de déclarer la guerre aux paradis fiscaux. La fiscalité devient politique et les affaires défraient les chroniques. On retiendra ici celle des listes LGT, UBS et HSBC qui, avec la pression des Etats-Unis sur la Suisse, sonnent le glas du secret bancaire aux fins fiscales, participent au durcissement des dispositifs fiscaux et pénaux de lutte contre la fraude fiscale et contribuent au succès des politiques de régularisation fiscale des avoirs étrangers non révélés comme en France (dès 2009) et partout dans le monde. La transparence est maintenant considérée comme la principale arme de prévention et de lutte contre la fraude fiscale, voire contre l’optimisation fiscale agressive. Monaco et Andorre, d’abord portés sur la « liste noire » des paradis fiscaux établie par l’OCDE, sont depuis plusieurs années considérées comme des juridictions conformes notamment selon le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements aux fins fiscales de l’OCDE (rapports d’étape du Forum mondial de 2013 et 2014).

Historiquement, Monaco coopère en matière fiscale avec la France en application des conventions du 18 mai 1963 en matière d’impôt sur le revenu (auquel vient de rajouter en 2003 l’ISF), et du 1er avril 1950 en matière de droits de succession. Elles prévoient un échange de renseignements, voire un échange automatique visant notamment les salaires, dividendes, revenus de pensions de ressortissants français résidents de Monaco, et également en matière d’impôt sur les successions (ouverture de coffres forts, ouverture de comptes indivis ou collectifs, etc.). Monaco a aujourd’hui un réseau conventionnel en matière fiscale avec 34 pays (dont 8 conventions fiscales ratifiées).

Depuis 2009, Andorre a signé et ratifié 24 accords d’échange de renseignements en matière fiscale outre les 4 conventions fiscales d’ores et déjà applicables avec ses principaux partenaires que sont la France, l’Espagne, mais également le Luxembourg et le Lichtenstein. D’autres sont à venir. Ces derniers accords n’auraient pu être conclus sans l’introduction d’impôts sur le revenu personnel (loi 5/2014 du 24/04/2014) et des sociétés (loi 95/2010 du 29/12/2010) universels de 10% susceptibles de générer des phénomènes de double imposition.

En 2004, une première étape vers plus de coopération fiscale internationale (autre que bilatérale) fut franchie avec la signature avec l’Union Européenne (« UE ») de l’Accord sur l’imposition des revenus de l’épargne, garantissant l’application de mesures équivalentes à celles prévues par la directive Epargne (2003/48/CE du 3 juin 2003) applicable dans l’Union Européenne. Monaco et Andorre, considérant que l’institution d’un système automatique de révélation des bénéficiaires (personnes physiques ayant leur résidence fiscale dans un Etat membre de l’UE) du paiement d’intérêts depuis leur territoire était trop précoce par rapport à leurs dispositifs légaux, ont alors opté pour un système temporaire de retenue à la source (passée de 15% à 35% au fur et à mesure de l’application de l’Accord) sur lesdits intérêts, répartie entre l’Etat de résidence et Monaco/Andorre. La faculté était toutefois laissée au bénéficiaire des paiements d’écarter la retenue à la source en révélant son identité et ses revenus à son Etat de résidence. La possibilité d’opter pour une retenue à la source avait été négociée dans le cadre de la Directive Epargne par la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche. L’Accord prévoyait en outre l’échange d’informations sur demande en cas d’escroquerie fiscale.

De la coopération vers l’échange automatique multilatéral

Au niveau Mondial
Sous l’impulsion des Etats-Unis, le G20 a initié une politique multilatérale de lutte et de prévention contre les paradis fiscaux. La Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (25/01/1988 modifiée le 27/05/2010) de l’OCDE en est l’expression. Celle-ci a été signée par 107 pays, dont Andorre et Monaco. La Convention couvre les formes les plus complètes d’assistance administrative dont l’échange d’information en matière fiscale : échange sur demande, spontané, contrôles fiscaux à l’étranger, etc. L’Accord multilatéral OCDE sur l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes bancaires est une des composantes majeures de l’assistante mutuelle.

Est ainsi prévu un échange automatique annuel entre États signataires de renseignements relatifs aux comptes détenus par des personnes physiques, morales ou entités (ces dernières incluant les fiducies, « trusts » et fondations). Parmi les 101 Etats /territoires signataires, 54 ont opté pour une application dès septembre 2017 et les 47 restant en septembre 2018. Les Etats-Unis, pourtant signataire de la Convention multilatérale en 2010 (avant sa modification), ne l’ont pas ratifié puisqu’ils n’entendent pas mettre en œuvre l’échange automatique d’information (comme dans le cadre des accords FATCA).

Andorre a signé la Convention multilatérale OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale le 5 novembre 2013. Celle-ci est applicable depuis le 1er janvier 2016.En ce qui concerne la mise en œuvre de l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers Andorre opère une distinction : le 30 juin 2018 sera la date limite de la première transmission par les institutions financières des déclarations à l’administration des nouveaux comptes (ouverts entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017) et des comptes préexistants (ouverts avant le 31 décembre 2016) de personnes physiques de valeur supérieure à 1 million d’euros et de personnes morales de valeur supérieure à 250.000 euros. A compter du 30 juin 2019 seront transmises également les déclarations de tous les comptes déclarables (dont notamment les comptes préexistants de personnes physiques de faible valeur et les comptes préexistants d’entités).

Monaco a signé la Convention multilatérale le 13 octobre 2014, avec un engagement de mettre en œuvre l’échange automatique en matière de comptes bancaires dès septembre 2018, portant sur les informations collectées à partir du 1er janvier 2017. Monaco n’a pas émis de réserve de calendrier par rapport à la valeur des comptes concernés par l’échange automatique.

A l’égard des pays de l’Union Européenne

Dans le cadre européen, Andorre et Monaco ont signé un Accord avec l’UE sur l’échange automatique d’information reprenant les dispositions OCDE respectivement le 12 février 2016 et le 12 juillet. Cet Accord est applicable à compter du 1er janvier 2017 et renforce la coopération fiscale entre Andorre / Monaco et l’UE, jusque-là fondée sur l’Accord équivalent à la Directive Epargne.

L’année 2016 se clôturera donc sur la ratification par les deux principautés des accords avec l’UE et OCDE en matière d’échange automatique d’information en matière fiscale.

Mise en œuvre de l’échange automatique

Les principautés ont donc adapté leur législation en vue de leur mise en œuvre. Monaco a ainsi introduit dans sa législation une définition de résidence fiscale pour mieux déterminer les personnes non résidentes, objet de la communication. Il s’agit d’une définition fiscale générale.

L’échange automatique s’effectuera sur une base annuelle et révèlera -conformément à la norme commune de déclaration « CRS » (« Common Reporting Standard ») établie par l’OCDE et reprise par l’UE-: les nom, adresse, numéro d’identification fiscale et la date et lieu de naissance (dans le cas d’une personne physique de chaque personne résident d’un Etat partenaire titulaire d’un compte déclarable. Dans l’hypothèse où le titulaire du compte est une entité visée par le CRS, les mêmes données se rapportant aux personnes associées détenant le contrôle seront transmises. S’y ajoutent le numéro du compte, les noms et numéro d’identification de l’institution financière déclarante ainsi que le solde du compte à la fin de l’exercice considéré ou à tout autre moment jugé adéquat (solde à la clôture du compte par exemple). Enfin, doivent être déclarés les intérêts, dividendes et autres revenus des actifs financiers.

La mise en œuvre de l’échange automatique des informations en matière fiscale pose de nombreuses problématiques comme la pérennité des procédures de régularisation fiscale (selon nos informations, le STDR français resterait ouvert) et la protection de données confidentielles et personnelles se rapportant à la vie privée ou à la vie des affaires. La protection de la vie privée et celle de la liberté d’entreprendre sont des principes fondamentaux ayant valeur constitutionnelle en France protégés dans le cadre européen (Chartre des droits fondamentaux de l’UE et CEDH). Il conviendra donc d’être vigilant en cas de violation disproportionnée de ces principes par rapport à l’objectif de lutte contre la fraude fiscale de ces libertés fondamentales.

Auteurs

Michel Collet, avocat associé en fiscalité internationale.

Xenia Lordkipanidzé, avocat councel, département fiscalité internationale.

L’échange automatique d’informations en matière fiscale et nouvel ordre fiscal: Andorre et Monaco, des principautés en mouvement – Article paru dans le magazine Option Finance le 23 janvier 2017
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