Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat adopté en Conseil des ministres
8 juillet 2022
Annoncé avant les élections législatives, le projet de loi « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » vise à augmenter les revenus du travail et à mieux partager la valeur.
En effet, comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, de telles mesures s’avèrent particulièrement nécessaires au regard du niveau d’inflation constaté – le plus haut depuis 1985 – qui se traduit par une hausse des prix à la consommation ayant un impact considérable sur le budget des ménages, notamment sur l’énergie et l’alimentation.
Ce projet de loi a été transmis aux partenaires sociaux et pour avis au Conseil d’Etat le 24 juin 2022.
Il a été présenté en Conseil des ministres le 7 juillet 2022 et doit être discuté au Parlement à compter du 18 juillet prochain.
Les mesures intéressant le droit du travail relèvent du Titre 1er relatif à la protection du niveau de vie des français, divisé en deux chapitres relatifs à la « valorisation du travail et partage de la valeur », ainsi qu’à la « revalorisation anticipée de prestations sociales ».
Focus sur les principales mesures en matière sociale et sur les mesures relatives aux cotisations et contributions sociales.
Présentation des mesures sociales
1) Substitution de la prime de partage de la valeur (PPV) à la PEPA (art. 1er)
Pour rappel, la PEPA (Prime Exceptionnelle de Pouvoir d’Achat ou «prime Macron») a été instituée pour la première fois par l’article 1 de la loi n°2018-1213 du 24 décembre 2018, mise en place en 2019 puis reconduite en 2020, 2021 et, en dernier lieu, en 2022.
Le projet de loi pérennise ce dispositif au travers de la nouvelle Prime de Partage de la Valeur (PPV).
Comme la PEPA, il s’agit d’un dispositif facultatif que les entreprises de droit privé, les EPIC et les établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé pourront mettre en place :
-
- soit par décision unilatérale après information du CSE ;
-
- soit par accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les modalités d’un accord d’intéressement.
Sous certaines conditions, les primes versées, dont le montant maximal est fixé à 3000 € par bénéficiaire et par année civile, bénéficieront d’une exonération.
Ce montant est porté à 6000 € par bénéficiaire et par année civile, lorsque les primes sont versées :
-
- soit par une entreprise, d’au moins 50 salariés, soumise à l’obligation de mettre en place la participation, lorsqu’elle est couverte par un dispositif d’intéressement ou qui met en œuvre, à la date de versement de ladite prime, un dispositif d’intéressement ;
-
- soit par une entreprise qui n’est pas soumise à l’obligation de mettre en place la participation, mais qui met en œuvre, à la date de versement de ladite prime, un dispositif d’intéressement ou de participation ou qui est déjà dotée de tels dispositifs ;
-
- soit par certaines associations, fondations et par les établissements ou services d’aide par le travail s’agissant des primes versées aux travailleurs handicapés.
Jusqu’au 31 décembre 2023, la prime sera totalement exonérée de cotisations salariales et patronales, ainsi que de CSG/CRDS et d’impôt pour les salariés qui ont perçu, au cours de l’année précédant le versement de la prime, moins de 3 fois le montant du SMIC annuel.
La prime versée aux salariés percevant plus de 3 fois le montant annuel du SMIC sera exonérée de cotisations salariales et son régime fiscal et social sera aligné sur celui de l’intéressement et de la participation, à savoir :
-
- un assujettissement de la PPV à l’IR et à la CSG/CRDS ;
-
- et l’application du forfait social pour l’employeur.
Après le 31 décembre 2023, le régime d’exonération des salariés dont la rémunération se situe en-dessous de 3 SMIC sera aligné sur celui des autres salariés.
Le versement de la PPV pourra intervenir à compter du 1er août 2022.
2) Assouplissement de l’intéressement d’entreprise (art. 3)
Cet article vise à assurer « une meilleure association des salariés aux enjeux de l’entreprise » par l’assouplissement du régime de l’intéressement, de plusieurs manières.
Ainsi, il est prévu :
-
- d’allonger la durée des accords collectifs ou décisions unilatérales de l’employeur en matière d’intéressement à cinq ans maximum, au lieu de trois ans actuellement. Il s’agit de favoriser le recours à l’intéressement en permettant aux entreprises d’adopter une projection sur un plus long terme si elles le souhaitent dans la fixation de leurs objectifs ;
-
- d’élargir aux entreprises de moins de 50 salariés non couvertes par un accord de branche agréé la mise en place unilatérale de l’intéressement pour pallier les difficultés de négociation d’un accord d’intéressement. Cette possibilité pourra être utilisée dans ces entreprises :
– soit en l’absence d’institutions représentatives du personnel et de délégué syndical – à condition que l’employeur ait respecté ses obligations en matière d’organisation des élections
– soit en cas d’échec des négociations et à la condition que le CSE soit consulté sur le projet de régime d’intéressement avant le dépôt du projet d’accord auprès de l’autorité administrative ;
-
- de permettre le renouvellement par décision unilatérale du dispositif d’intéressement ;
-
- de faciliter la diffusion de l’intéressement au sein de toutes les entreprises par la mise en place d’un dispositif d’intéressement type via une procédure dématérialisée permettant de sécuriser les exonérations sociales et fiscales dès le dépôt, dans des conditions qui seront précisées par décret ;
-
- d’accélérer la procédure de contrôle en supprimant le contrôle de forme des accords d’épargne salariale opéré par les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS). Le délai de contrôle des accords sera ainsi réduit à trois mois. Ces dispositions s’appliquent aux accords et règlements déposés à compter du 1er janvier 2023 pour laisser le temps de procéder aux développements informatiques nécessaires.
3) Incitation des branches à négocier sur les salaires (art. 4)
Afin d’inciter les branches professionnelles à négocier sur les salaires et d’assurer la conformité de leurs salaires minima hiérarchiques au SMIC, le projet de loi prévoit de faire du niveau des salaires minima, fixés dans les accords ou avenants signés par rapport au SMIC, un critère légal permettant au Ministre d’engager la procédure de restructuration des branches.
Cette évolution devrait ainsi permettre de prendre en compte l’état des négociations salariales dans une branche pour engager un processus de restructuration.
En cas de constat d’une telle situation, le ministre du Travail pourra engager le processus de restructuration et procéder à la fusion administrative des branches professionnelles concernées.
4) Réembauche en CDD ou contrats de mission de salariés licenciés dans les centrales à charbon (art. 15)
Cet article a pour objet de permettre aux entreprises mentionnées à l’article L. 311-1 du Code de l’énergie dont la fermeture est prévue par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et qui ont mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi, de réembaucher, sur la base du volontariat, en CDD ou en contrat de mission, des salariés en congé de reclassement en cas de reprise temporaire d’activité pour faire face à des difficultés d’approvisionnement en énergie susceptibles d’affecter la vie de la Nation.
Cet article prévoit la suspension du congé de reclassement des salariés licenciés pour motif économique en cas de réembauche en CDD ou en contrat de mission par l’employeur initial, y compris dans les six mois qui suivent le licenciement pour motif économique, et reporte le terme initial du congé de reclassement à due concurrence des périodes de travail effectuées.
A titre dérogatoire, le renouvellement de ces CDD ou contrats de mission est possible dans la limite d’une durée totale de trente-six mois, sans délai de carence entre deux contrats.
Ces dispositions dérogatoires et exceptionnelles ne sont applicables qu’aux contrats conclus à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023.
Mesures relatives aux cotisations et contributions sociales
1) Revalorisation anticipée des pensions et prestations sociales (art. 5)
A compter du mois de juillet 2022, il est prévu une revalorisation de 4 % sur les droits et prestations sociales, et tout particulièrement, sur :
-
- les pensions de retraite et d’invalidité des régimes de base ;
-
- les prestations familiales, et les minima sociaux, dont le revenu de solidarité active ;
-
- l’allocation aux adultes handicapés et l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Justifiée par la forte augmentation de l’inflation observée depuis le début de l’année, cette revalorisation exceptionnelle anticipe les revalorisations de droit commun prévues d’octobre 2022 à avril 2023.
Ainsi, celles-ci tiendront compte du taux appliqué en juillet pour la détermination de leurs différents taux de revalorisation.
En outre, le texte prévoit que le minimum de retraite du régime complémentaire des non-salariés agricoles à hauteur de l’évolution du salaire minimum de croissance (SMIC) sera relevé au 1er juillet 2022 pour s’aligner sur la revalorisation automatique de ce dernier intervenue le 1er mai dernier.
2) Réduction des cotisations sociales des travailleurs indépendants (art. 2)
Il est prévu une baisse de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants ayant un revenu équivalent au niveau du SMIC. Cette mesure a pour objet de leur permettre de bénéficier d’une progression du pouvoir d’achat annuel de 550 euros.
Les professionnels concernés par cette mesure sont les artisans, les commerçants, l’ensemble des professions libérales ainsi que les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, soit 2,25 millions de personnes environ. Pour près d’un quart des travailleurs indépendants non agricoles (22 %), comme pour plus d’un tiers des travailleurs indépendants agricoles, les revenus nets d’activité annuels sont en effet inférieurs à la moitié du SMIC annuel.
***
En dernier lieu, précisons enfin que le « dividende salarié », annoncé par le Président de la République dès avril 2022, n’a pas été intégré au projet de loi sur le pouvoir d’achat mais il pourrait l’être au cours des discussions du texte, par le biais d’un amendement parlementaire.
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