Le PEA est-il vraiment séduisant pour les titres non cotés?
Le PEA et son jumeau le PEA-PME permettent d’engranger des dividendes et des plus-values sans imposition immédiate. En cas de retrait du plan, l’imposition sera prélevée à hauteur de la fraction des gains correspondante ; mais elle se limitera aux prélèvements sociaux si, à cette date, le plan est ouvert depuis au moins 5 ans. En effet, l’impôt sur le revenu ne s’applique que si le retrait intervient moins de 5 ans après l’ouverture, et il en va de même pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Si les contraintes de ces plans existent, certaines disparaîtront lorsque la loi « Pacte » sera entrée en vigueur1. Retenons par exemple qu’un retrait au-delà de 5 ans ne sera plus synonyme de clôture du plan ou de blocage des versements, que le plafond de versement pour le PEA-PME passera de 75.000 à 225.000 euros2 et que le législateur a assoupli une contrainte pesant sur l’investissement en titres cotés dans le PEA-PME.
Le PEA, comme le PEA-PME, peuvent aussi recevoir des actions non cotées. Mais sont-ils adaptés à l’investissement en titres non cotés ?
Si la possibilité existe et paraît séduisante, la pratique est malheureusement moins évidente en raison des limitations quant aux titres éligibles, au timing de l’opération, ou au risque en cas de non-respect des règles de fonctionnement du plan.
Selon le principe en vigueur actuellement, les dividendes et les plus-values provenant de titres détenus sur un compte-titre ordinaire sont taxés au prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax), soit une imposition de 30% correspondant à 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux, auxquels s’ajoute éventuellement la contribution sur les hauts revenus.
on seulement l’imposition est plus lourde en cas de détention directe, mais elle est également plus complexe. Elle suppose une déclaration des gains, une imputation correcte des moins-values sur les plus-values de même nature, mais également une décision sur le point de savoir s’il faut rester au PFU ou opter pour les règles du barème progressif de l’IR. L’imposition au barème progressif, possible à condition de renoncer au PFU sur l’ensemble des revenus et plus-values de l’année qui en relèvent normalement, se fait sous déduction d’un abattement de 40% et d’une fraction de CSG déductible s’il s’agit de dividendes. Mais s’agissant des plus-values de cession, la déduction d’un abattement n’est prévue que si les titres ont été acquis avant le 1er janvier 2018 (et son taux d’abattement pourra être de 50%, 65% ou 85% selon les cas).
Ces subtilités n’existent pas dans le cadre du régime de faveur du PEA ou du PEA-PME.
Malheureusement plusieurs titres n’y sont pas éligibles, par exemple les actions de préférence et les titres pour lesquels les contribuables demandent à bénéficier de la réduction d’impôt sur le revenu prévue en cas de souscription ou d’acquisition de titres de PME. En tout état de cause ne sont pas éligibles les participations supérieures à 25% (détenues directement ou indirectement, avec son conjoint ou partenaire lié par un Pacs et leurs ascendants et descendants).
Ensuite, les banques sont très attentives à la conformité de l’inscription des titres non cotés sur un PEA ou un PEA-PME. Et au moins deux problèmes découlent du fait que les titres non cotés sont moins facilement négociables : les délais nécessaires à l’examen de la conformité par la banque ne seront pas toujours compatibles avec le timing de l’investissement, et si les titres sont acquis sur un compte titre ordinaire, il sera ensuite très difficile de trouver une solution pour les inscrire sur un PEA ou un PEA-PME.
En effet, l’administration fiscale est très attentive aux conditions d’acquisition des titres non cotés, et peut recourir à la qualification d’un abus de droit. Le législateur a en outre prévu que le PEA ne permet pas d’acquérir des titres déjà détenus (hors de ce plan) par le même contribuable ou son conjoint par mariage ou Pacs, ou leurs ascendants ou descendants.
La vigilance est de mise car une infraction au fonctionnement du PEA ou du PEA-PME entraîne sa clôture avec parfois de très lourdes conséquences, notamment la perte de l’exonération pour l’ensemble des titres figurant sur le plan.
Notes
1 Après publication de cette loi au Journal officiel (ce qui est désormais imminent, le Conseil constitutionnel ayant rendu sa décision n°2019-781 DC le 16 mai 2019)
2 Les contribuables doivent toutefois être attentifs : l’ensemble des versements en numéraire effectués par un contribuable sur un PEA-PME et un PEA classique ne devrait pas excéder cette limite de 225.000 euros
Auteur
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale
Le PEA est-il vraiment séduisant pour les titres non cotés ? – Edito de la newsletter du 20 mai 2019 de welikestartup.fr
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