Le Conseil d’Etat rappelle les rôles respectifs de la Commission et du juge national en matière d’aides d’Etat
Un requérant ne peut utilement invoquer des lignes directrices de la Commission européenne concernant les aides d’Etat à l’encontre d’un acte de droit national instituant un régime d’aides d’Etat ayant fait l’objet d’une décision favorable de la Commission européenne.
En effet, le Conseil d’Etat a considéré qu’en présentant un tel argument, directement à l’encontre de la mesure nationale instaurant le régime d’aide, le requérant invitait le juge à se prononcer sur la compatibilité du régime d’aides, alors que ce dernier n’a pas compétence pour examiner la compatibilité d’une aide, c’est-à-dire son absence d’incidences négatives sur le fonctionnement du marché intérieur, mais uniquement pour se prononcer sur sa légalité, c’est-à-dire la correcte mise en œuvre de la procédure de notification (cf. CJCE, 21 novembre 1991, C-354/90, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon c/ République française).
Dans l’affaire en cause, le Conseil d’Etat était saisi par la société Efinovia d’un recours contre deux conventions du 15 décembre 2014 conclues par le Premier ministre avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et confiant à celle-ci la gestion de fonds versés dans le cadre du programme des investissements d’avenir (CE, 27 octobre 2016, n°387384).
Considérant que ce régime d’aides d’Etat entrait dans le cadre d’une exemption de notification à la Commission européenne, en application du règlement 651/2014 du 17 juin 2014 (« RGEC ») déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les autorités françaises ont simplement informé la Commission de la mise en œuvre de ce régime et n’ont donc pas procédé à une notification formelle de celui-ci. La Commission a ultérieurement décidé, comme le lui permet l’article 1, a) du RGEC, de prolonger jusqu’au 31 décembre 2020 l’application dudit règlement à ce régime d’aides. Elle a donc adopté, le 4 août 2015, une décision en ce sens qui avait pour effet de considérer l’aide « compatible ».
La société Efinovia soutenait notamment, à l’appui de sa requête, qu’une des deux conventions contestées méconnaissait les lignes directrices concernant les aides d’Etat à la protection de l’environnement et à l’énergie issues d’une communication de la Commission du 28 juin 2014.
Le Conseil d’Etat a écarté ce moyen aux motifs que la société requérante « ne saurait utilement invoquer un tel acte à l’encontre de la convention litigieuse sans remettre en cause l’appréciation portée par la Commission sur la comptabilité du régime d’aides d’Etat dont cette convention fait application. Or, […] il n’appartient pas aux juridictions nationales d’apprécier la compatibilité d’un tel régime avec le marché intérieur ».
Or, au lieu de statuer ainsi, le Conseil d’Etat aurait pu tout simplement « requalifier » ce moyen, en considérant que le requérant remettait en réalité en cause la validité de la décision de la Commission du 4 août 2015. Une telle solution lui aurait sans doute permis d’examiner ledit moyen sur le fond pour soit l’écarter en constatant la validité de la décision de la Commission, soit, en cas de doute, renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (cf. CJCE, 22 octobre 1987, C-314/85, Foto-Frost c/ Hauptzollamt Lübeck-Ost).
Auteurs
Claire Vannini, avocat associé en droit de la concurrence national et européen
Eleni Moraïtou, avocat en droit de la concurrence national et européen