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L’aménagement du régime du carry-back : un retour vers le futur ?

L’aménagement du régime du carry-back : un retour vers le futur ?

La loi de finances pour 2021 permet d’imputer le déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021 sur les bénéfices des trois exercices précédents sans limitation de montant : point sur les commentaires administratifs.

L’article 1er de la loi de finances rectificative pour 2021 (Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021) a introduit un aménagement temporaire du dispositif de report en arrière des déficits prévu à l’article 220 quinquies du code général des impôts (ci-après dispositif de « carry-back ») pour permettre d’améliorer la situation financière des entreprises fortement affectées par la crise sanitaire et économique en renforçant leurs fonds propres. En substance, le déficit constaté par une entreprise au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021 pourra être imputé sur les bénéfices des trois exercices précédents sans limitation de montant. Cet aménagement législatif a fait l’objet de précisions par l’administration fiscale dans le cadre d’une publication au Bulletin Officiel des Finances Publiques au BOI-IS-DEF-20-30, en date du 23 août 2021.

  1. L’option pour le régime aménagé de report en arrière des déficits

Le contribuable peut obtenir le bénéfice de ces nouvelles dispositions en optant pour le report en arrière des déficits. A ce titre, la loi de finances rectificative pour 2021 a prévu un délai d’option dérogatoire. En effet, l’article 1er de cette loi a précisé que l’option doit être exercée au plus tard le 30 septembre 2021 (date limite de dépôt pour un exercice clos au 30 juin 2021) sauf si l’impôt sur les sociétés (ci-après « IS ») relatif à l’exercice suivant celui au titre duquel l’option est exercée est effectivement liquidé avant cette date.

En pratique, pour une société dont l’exercice est aligné sur l’année civile, la date limite d’option est le 30 septembre 2021. En revanche, pour une société dont l’exercice s’est ouvert le 1er juillet 2019 et clos le 30 juin 2020, l’option pour le report en arrière de ce déficit selon les nouvelles modalités devrait être exercée au plus tard le 30 septembre 2021, sauf si avant cette date, l’entreprise a liquidé par anticipation l’IS afférent à l’exercice ouvert le 1er juillet 2020 et clos le 30 juin 2021 (et qui est en principe liquidé le 15 octobre 2021). Dans cette situation, c’est la date anticipée de liquidation de l’IS qui constitue la date limite d’option pour le report en arrière des déficits. Sur ce point, l’administration fiscale a précisé qu’en pratique la seconde restriction n’est susceptible de concerner que les exercices clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 29 septembre 2021.

Il est à noter que les entreprises dont le délai d’option de droit commun est déjà expiré ou sur le point d’expirer à la date de publication de la loi peuvent opter pour le régime de carry back.

La doctrine administrative a également apporté quelques éclaircissements sur les modalités d’option. Tout d’abord l’option constitue une décision de gestion. Si elle n’est pas exercée, les déficits non reportés en arrière font donc l’objet d’un report en avant dans les conditions de droit commun. En outre, l’option pour le régime de report en arrière dérogatoire est possible même si l’entreprise n’avait pas au préalable opté pour le régime du report en arrière de droit commun. Enfin, l’administration fiscale a apporté des restrictions quant à l’exercice de cette option en cas de restructuration, cessation ou cession d’activité ou encore en cas de procédure collective.

En ce qui concerne les formalités à remplir, l’option s’opère sur le formulaire relatif à la détermination du résultat fiscal de la liasse fiscale (formulaires n° 2058-A-SD (régime réel normal), n° 2033-B-SD (régime simplifié de la liasse) ou n°2058-RG-SD (groupe IS)). Ainsi, les entreprises ayant déjà déposé une liasse relative à l’exercice déficitaire devront déposer une liasse rectificative. Enfin, l’administration fiscale a précisé que le contribuable devra fournir, sur papier libre, tous les éléments de calcul nécessaires à la liquidation de la créance de report en arrière, en utilisant notamment l’annexe au formulaire n° 2039-SD mis à jour.

  1. Les modalités particulières de détermination du bénéfice d’imputation

Concernant le bénéfice d’imputation, dans la mesure où l’option pour le carry-back de droit commun ne fait pas échec à l’option pour le carry-back dérogatoire, l’imputation du déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021 pourra se faire sur les bénéfices des trois exercices précédents, dans la limite des déficits déjà imputés.

Le bénéfice d’imputation du régime dérogatoire est déterminé dans les conditions de droit commun. Pour plus de précisions sur les modalités de détermination des bénéfices d’imputation des trois derniers exercices, la doctrine administrative sur le régime dérogatoire renvoie en effet à ses commentaires sur le dispositif de report en arrière de droit commun. Aussi, les bénéfices d’imputation doivent s’entendre des bénéfices qui ont servi d’assiette à la liquidation de l’IS au taux normal de droit commun ou au taux réduit des petites et moyennes entreprises (« taux PME »), et exclure principalement les bénéfices exonérés, les bénéfices distribués et les bénéfices ayant donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d’impôts.

En cas de rectification du bénéfice d’imputation du régime dérogatoire, la doctrine administrative prévoit qu’à la différence du régime de carry back de droit commun : « la créance est déterminée à partir des résultats fiscaux déclarés. Le montant de celle-ci ne peut donc être revu à la hausse si le ou les bénéfices d’imputation sont augmentés à la suite d’un contrôle fiscal. En revanche, [les bénéfices d’imputation pourront être augmentés] si le dépôt d’une déclaration rectificative dans le délai de réclamation prévu à l’article R.* 196-1 du LPF a pour effet de faire apparaître ou de rehausser les bénéfices fiscaux sur lesquels auraient pu être imputé ou a été partiellement imputé le déficit » (BOI-IS-DEF-20-30 n°120). Ainsi, en comparant cet aménagement au dispositif de droit commun, on constate une différence de régime applicable selon que le contribuable se trouve dans l’hypothèse d’un contrôle fiscal ou d’une déclaration rectificative du bénéfice d’imputation dans le délai de réclamation, qui ouvre seule droit à imputation sur un bénéfice rehaussé, alors que dans le cadre du régime de droit commun les deux hypothèses conduisent au rehaussement du bénéfice d’imputation. La différenciation introduite conduit également à s’interroger sur le traitement des régularisations réalisées en application des dispositions de l’article L.62 du livre des procédures fiscales (« LPF »).

En revanche, en cas de rectification du résultat de l’exercice déficitaire, cette différenciation n’est pas reproduite dans l’hypothèse de l’apparition ou de l’accroissement d’un déficit à la suite d’un contrôle fiscal ou du dépôt d’une déclaration rectificative dans le délai de réclamation prévu à l’article R.* 196-1 du LPF. Dans ces deux cas, l’entreprise peut, par voie de réclamation contentieuse, opter pour le report en arrière de ce déficit dans les conditions prévues par le régime dérogatoire.

  1. Une créance de carry-back exceptionnelle calculée de manière exceptionnelle

Comme indiqué précédemment, l’option pour le report en arrière s’applique à un déficit sans limite de montant, alors qu’en régime de droit commun l’option pour le report en arrière (qui ne peut être exercée que pour le déficit constaté au cours de l’exercice) est retenue dans la limite du montant le plus faible entre ledit bénéfice et un montant de 1 M€. Le déficit qui n’a pas pu être reporté en arrière demeure reportable en avant dans les conditions habituelles.

La nouvelle créance de carry-back est minorée du montant de la créance de carry-back déjà liquidée. La doctrine administrative précise, à cet égard, que la nouvelle créance de carry-back n’ouvre pas droit au remboursement anticipé.

Concernant le montant de la créance de carry-back, par exception, le calcul de la créance afférente aux exercices passés est réalisé en appliquant le taux de l’IS au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, qu’il s’agisse du taux de droit commun de 25%, ou du taux de 15% lorsque le taux des PME est applicable (soit dès lors que le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à dix millions d’euros). Le chiffre d’affaires retenu pour la détermination du taux d’IS applicable est le chiffre d’affaires réalisé durant l’exercice au titre duquel l’option est exercée, soit l’exercice déficitaire.

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Compte-tenu des particularités du régime dérogatoire de report en arrière des déficits, tant dans ses modalités d’application que dans ses conséquences, il revient à chaque contribuable de procéder à une analyse fine de l’intérêt d’opter pour le régime dérogatoire au vu des conséquences afférentes à l’application de plein droit du régime de report en avant des déficits.

Article paru dans Option Finance le 20/09/2021

Auteurs

Céline Pasquier, Avocat senior en droit fiscal

Edouard Guillot, Avocat en droit Fiscal

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