L’acceptation tacite du décompte général définitif
Par un arrêt du 8 février 2018 publié au Bulletin, la Cour de cassation est venue préciser sa jurisprudence sur l’application des règles de délais posées par la norme AFNOR NF P.03.001 concernant le processus de fixation du décompte général définitif, décompte qui a pour objet de solder les comptes entre le maître d’ouvrage et l’entreprise.
Dans cette affaire, une société civile immobilière confie un marché de travaux d’étanchéité à une entreprise. Soutenant l’existence d’un trop perçu par l’entreprise identifié dans le projet de décompte général définitif qu’elle a notifié et que l’entreprise n’a pas été contesté dans le délai de trente jours prévue par la norme AFNOR applicable, elle assigne l’entreprise en restitution dudit trop-perçu. L’entreprise sollicite le rejet de cette demande et forme reconventionnellement une demande en paiement au titre d’un solde à son profit fondé sur la réalisation de travaux supplémentaires.
En cause d’appel, le maître d’ouvrage est débouté de sa demande et condamné à payer le solde invoqué par l’entreprise au motif que le document qu’il a notifié ne pouvait être analysé comme un véritable projet de décompte définitif dès lors que :
- aucune réception expresse n’était intervenue, alors que seul cet événement fait courir les délais imposés aux parties dans le processus de détermination du décompte général définitif ;
- aucun élément ne permettait de vérifier que le projet de décompte avait été établi par le maître d’œuvre, alors que seul ce dernier est habilité à établir le projet de décompte que le maître d’ouvrage va notifier à l’entreprise.
Au visa de l’ancien article 1134 du Code civil, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en retenant que « sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’entrepreneur avait contesté le décompte dans le délai de trente jours qui lui était imparti, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». En d’autres termes, l’absence de réponse de l’entreprise dans le délai fixé par la norme AFNOR pour répondre au projet de décompte général qui lui est notifié emporte de facto son acceptation tacite et renonciation à toutes contestations ultérieures.
Cette décision apparaît marquer une véritable évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation qui refusait auparavant de faire application des dispositions de la norme AFNOR en matière d’acceptation tacite du décompte général par l’entreprise dès lors que le maître d’ouvrage n’avait pas lui-même respecté l’ensemble des conditions de formes prévues par ces dispositions (voir en ce sens : Civ. 3e, 26 novembre 2014, n°13-24.888 ; Civ. 3e, 25 juin 2013, n°11-25.315).
A l’aune de cet arrêt, il semble ainsi que la Cour de cassation retienne aujourd’hui une application stricte du délai de vérification et de réponse du projet de décompte général par l’entreprise sans que puisse être écartée son acceptation tacite du fait du non-respect des autres conditions formelles prévues par la norme AFNOR.
Cass. 3e civ., 8 février 2018, n°17-10.039
Auteur
Laurent Toulze, avocat, droit immobilier et construction