La Cour de justice a-t-elle mis fin à l’interdiction française de revendre à perte?
La loi belge du 6 avril 2010 relative aux pratiques de marché et à la protection du consommateur interdit « à toute entreprise d’offrir en vente ou de vendre des biens à perte ».
La CJUE a considéré qu’une telle interdiction ne pouvait être maintenue en application de la directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, laquelle s’oppose au maintien d’une disposition nationale « qui prévoit une interdiction générale d’offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, pour autant que cette disposition poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs ».
La directive de 2005 procède à une harmonisation totale des législations nationales et interdit les pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs, c’est-à-dire celles qui sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qui altèrent de manière substantielle le comportement économique du consommateur.
A moins que la pratique en question ne soit reprise par l’annexe I de la directive, qui énumère les pratiques déloyales en toutes circonstances, une appréciation in concreto préalable est nécessaire pour toutes les autres pratiques.
Interrogée à titre préjudiciel sur la conformité à la directive de la loi belge, la CJUE a conclu à sa non-conformité notamment en ce que la réglementation belge a pour objectif la protection des intérêts des consommateurs et que l’interdiction posée ne figure pas dans l’annexe 1 des pratiques jugées déloyales en toutes circonstances.
L’interdiction per se de revendre des biens à perte est donc contraire à la directive qui impose dans ce cas une appréciation in concreto.
Quel est l’impact de cette décision sur notre législation nationale codifiée à l’article L. 442-2 du Code de commerce qui interdit la revente d’un bien en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif ?
Il convient de rappeler que cette interdiction est issue de la loi du 2 juillet 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière dont la finalité était la protection du petit commerce de détail face aux entreprises de la grande distribution.
Aussi, bien que similaires, les deux réglementations se différencient par leur objectif. Si la loi belge vise spécifiquement la protection des consommateurs, le texte français, repris au titre IV « De la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées » du Code de commerce, tend à préserver les intérêts des concurrents et non, en principe, ceux des consommateurs.
Compte tenu de cette différence de finalité, il est permis de penser que l’article L. 442-2 précité n’entre pas dans le champ d’application de la directive et que la solution dégagée par la CJUE n’est pas transposable, sauf à considérer que notre législation protège également les intérêts des consommateurs, ce que peut laisser entrevoir la révision du calcul du seuil de revente à perte opérée par la loi Chatel du 3 janvier 2008 qui serait « en faveur du consommateur ». Le débat n’est pour l’heure pas encore tranché.
La Commission d’examen des pratiques commerciales pourrait se saisir opportunément de la question. Affaire à suivre !
A propos de l’auteur
Nathalie Pétrignet, avocat associée, spécialisée en matière de droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 22 juillet 2013
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