La Chine et la France ont signé une nouvelle convention fiscale : Quels changements en attendre ?
Une nouvelle convention entre la France et la Chine a été signée le 26 novembre 2013. C’est l’occasion de faire le point sur ce qu’elle va changer pour les entreprises françaises présentes ou qui projettent de s’implanter dans ce pays.
1. Les améliorations apportées par la nouvelle convention
La définition de l’établissement stable est modifiée et assouplie
Les chantiers :
La durée d’un chantier de construction/installation ou assemblage qui constitue un établissement stable entrainant une imposition des profits en Chine est portée à 12 mois (au lieu de 6 mois dans l’actuelle convention). Il faut toutefois remarquer qu’a été ajouté dans la définition du chantier les activités de supervision liées à la réalisation d’un chantier.
Par ailleurs, la nouvelle convention supprime le point 1 du Protocole de l’actuelle convention selon lequel il y a un établissement stable si la valeur de la supervision du montage ou de l’installation d’un équipement est égale ou supérieure à 5% du montant total de la vente réalisée par l’entreprise.
L’établissement stable de services :
C’est une notion qui provient du modèle ONU de convention fiscale. Elle existe déjà dans l’actuelle convention. Elle permet d’imposer en Chine, au titre d’un établissement stable, les services y compris de conseils, rendus par des personnels d’une entreprise qui sont présents pendant une ou des périodes totalisant plus de 183 jours (et non plus pendant 6 mois comme dans l’actuelle convention) sur une période quelconque de 12 mois. Ce changement des règles de calcul qui se fonde sur le nombre de jours passés est un assouplissement pour les entreprises françaises qui envoient des salariés en Chine pour réaliser tout type de prestations de services.
Le risque que ces entreprises soient considérées comme ayant un établissement stable en Chine est moindre puisque le calcul des durées de présence se fera en fonction des jours réellement passés sur place. En effet, pour interpréter l’actuelle convention, l’administration chinoise considère qu’un jour passé équivaut à un mois pour l’appréciation de la durée de 6 mois.
La remontée des dividendes est moins couteuse
La retenue à la source sur les dividendes distribués par une société chinoise est réduite à 5% au lieu de 10% dans l’actuelle convention, lorsque la société française détient une participation d’au moins 25% dans son capital. Elle est de 10% dans tous les autres cas.
L’opportunité de détenir les filiales chinoises via Hong Kong, pour optimiser la remontée des dividendes vers la France devra être réexaminée puisque le taux de retenue à la source est réduit à 5% sur les dividendes distribués par une filiale chinoise à son actionnaire français. Par ailleurs l’interposition d’une holding à Hong Kong entraîne des risques de remise en cause par l’administration fiscale chinoise (fondés sur la substance de la holding), risques qui peuvent plus facilement être écartés si la filiale chinoise est détenue directement par une société française.
Il n’y a pas de changement significatif concernant les intérêts et les redevances
Les taux actuels de 10% ne changent pas dans la nouvelle convention. S’agissant des redevances, la définition reste large en incluant à la fois les rémunérations pour l’usage d’un équipement industriel, commercial ou scientifique (imposables à hauteur de 60% comme dans l’actuelle convention) et des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique.
2. Un droit élargi de la Chine à imposer les cessions de participations dans des sociétés chinoises
Comme dans l’actuelle convention, les gains résultant de la cession de participations d’au moins 25% dans le capital d’une société chinoise sont imposables en Chine. Toutefois, dans la nouvelle convention, la Chine gagne un droit d’imposer élargi : en effet, l’appréciation du seuil de 25% est directe et indirecte, ce qui va élargir les possibilités pour la Chine de réclamer l’impôt sur les plus-values. Par ailleurs, il est suffisant d’avoir détenu au moins 25% du capital de la société cédée à un moment quelconque au cours des 12 mois précédant la cession.
En Chine, les plus-values sur cession de titres par les non-résidents sont imposés au taux de 10%.
La convention prévoit un crédit d’impôt égal à l’impôt français sur la plus-value, ce qui équivaut en principe à une exonération en France. Cette clause est atypique, car en général le crédit d’impôt est égal à l’impôt étranger. On peut toutefois s’interroger sur les modalités pratiques d’application en France puisque l’administration fiscale considère que les plus-values sur titres de participation bénéficient d’une exonération lorsqu’elles relèvent du long terme. Dans ce cas, l’impôt payé sur la quote-part de frais et charges sera-t-il réellement effacé ? Cela paraît conforme à l’objectif poursuivi par l’octroi d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français. Toutefois, si l’administration française considérait que l’impôt sur la quote-part de frais et charges ne s’assimile pas à un impôt sur la plus-value, celle-ci serait en fait soumise à une double imposition que la convention n’élimine pas.
3. Un droit élargi de la Chine à imposer les revenus des salariés et des indépendants
La clause de mission temporaire pour les salariés ou pour les professions indépendantes est modifiée. Dans la nouvelle convention, la Chine peut imposer les revenus perçus par des résidents français qui exercent une activité salariée ou indépendante dès lors qu’ils séjournent en Chine durant une période de plus de 183 jours pendant une période quelconque de 12 mois, et non plus au cours de l’ année civile comme le prévoit l’actuelle convention.
Les entreprises françaises qui envoient en mission des salariés en Chine devront donc être vigilantes sur le décompte de leurs jours de présence sur place, qui à lui seul, peut entrainer une obligation de payer l’impôt en Chine sur leur salaire.
4. La fin programmée des crédits d’impôt fictifs
Il y a toutefois un changement significatif qui va affecter notamment la rentabilité des opérations de financement puisque la nouvelle convention supprime le mécanisme des crédits d’impôts fictifs. Ces crédits concernent les dividendes, les intérêts et les redevances et allaient jusqu’à 20%. La nouvelle convention fiscale les supprime purement et simplement en prévoyant que le montant de l’impôt payé en Chine qui ouvre droit à crédit d’impôt correspond à l’impôt effectif et définitif supporté en Chine à raison des revenus concernés.
Certaines atténuations sont prévues pour les redevances : le crédit d’impôt fictif tel que prévu par l’actuelle convention continuera de s’appliquer pour les redevances pendant 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle convention. S’agissant des paiements concernant l’usage d’un équipement industriel, commercial ou scientifique, dès lors que les conditions financières de ces paiements ont été arrêtées avant le 1er mars 2012 et que la livraison des équipements a été effectuée avant le 1er janvier 2013, le crédit d’impôt fictif continuera de s’appliquer pour la durée du contrat restant à courir jusqu’au 29 février 2012.
Ces atténuations sont toutefois soumises à la condition que les opérations ouvrant droit au crédit d’impôt fictif n’aient pas été réalisées dans le but principal de bénéficier de crédit d’impôt.
5. Introduction d’une disposition générale anti-abus
L’article 24 de la nouvelle convention vise à limiter les avantages de la convention (exonération ou réduction de retenue à la source) dans le cas où les transactions ont pour objet principal d’obtenir le bénéfice de ces avantages contrairement à l’objet et au motif des dispositions offrant ces avantages.
Notons qu’une disposition anti-abus spécifique figure également pour les dividendes, intérêts et redevances qui interdit l’application des avantages conventionnels lorsque l’objet principal ou l’un des objets principaux de la transaction portant sur les actions, les dettes ou les droits est de tirer parti des avantages de la convention.
6. Entrée en vigueur
De façon classique, les nouvelles dispositions s’appliqueront pour les retenues à la source au 1er janvier de l’année civile suivant celle de l’entrée en vigueur de la convention, et pour les autres impôts aux exercices ouverts à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de l’entrée en vigueur de la convention.
Il reste toutefois à procéder à la ratification de la convention dans chacun des pays. L’expérience montre que cela peut prendre un certain temps ! Par exemple, la nouvelle convention signée par la Chine en octobre 2009 avec la Belgique est entrée en vigueur le 4 janvier 2014.
A propos de l’auteur
Agnès de l’Estoile-Campi, avocat associée. Spécialisée en fiscalité internationale, elle travaille essentiellement pour des groupes français multinationaux dans les domaines suivants : fusions et acquisitions, réorganisations, prix de transfert, stratégie et optimisation fiscale internationale.
Article paru dans la revue Option Finance du 10 février 2014