ISF 2017 : nouvelles restrictions et clause anti-abus du plafonnement
De nouvelles mesures restrictives ont été adoptées fin 2016, pour l’ISF 2017.
1- Exonération des titres des salariés et mandataires sociaux
Les parts ou actions de sociétés détenues par les salariés ou mandataires sociaux sont exonérés d’ISF à concurrence des ¾ de leur valeur, sous réserve notamment que le redevable exerce son activité principale dans la société (CGI, art. 885 I quater).
Par un arrêt du 5 janvier 2016, la Cour de cassation, s’en tenant à une application littérale favorable aux contribuables, avait considéré que l’activité principale n’implique pas nécessairement de percevoir une rémunération.
La loi prévoit désormais que l’activité principale doit :
- correspondre à une fonction effectivement exercée par le redevable ;
- donner lieu à une rémunération normale, devant représenter plus de la moitié des revenus professionnels.
Pour apprécier le caractère normal et prépondérant de la rémunération, les revenus à retenir sont ceux soumis à l’IR dans la catégorie des TS, BIC, BA, BNC, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 du CGI ainsi que les jetons de présence imposés dans la catégorie des RCM. Sont exclus les revenus non professionnels (revenus fonciers, revenus mobiliers, retraite, etc.).
Lorsque le redevable exerce son activité dans plusieurs sociétés, l’article 885 I quater précise que :
- la condition de rémunération normale est appréciée dans chaque société prise isolément ;
- la condition de rémunération majoritaire est respectée si la somme des rémunérations perçues au titre des fonctions exercées représente plus de la moitié des revenus professionnels du redevable.
2- Exonération des biens professionnels
Les parts ou actions constituant des biens professionnels pour leur détenteur sont exonérés d’ISF, sous réserve notamment que le redevable exerce des fonctions éligibles dans la société (CGI, art. 885 O et suivants).
Exclusion des actifs des filiales non nécessaires à l’activité
La valeur des droits sociaux n’est prise en considération pour l’exonération que dans la mesure où elle correspond à l’actif professionnel de la société (article 885 O ter du CGI). Sont donc exclus de la qualification de biens professionnels les éléments de l’actif social non nécessaires à l’activité.
Par un arrêt du 20 octobre 2015, la Cour de cassation avait jugé que cette limite d’exonération est d’interprétation stricte et que la restriction ne s’applique pas aux éléments composant l’actif social de l’ensemble des filiales et sous filiales de la société tête de groupe dans laquelle le redevable détient des titres.
En vue de lutter contre des comportements frauduleux consistant à loger des actifs personnels du dirigeant réservés à son seul usage au sein de filiales ou sous filiales de la société éligible à l’exonération des biens professionnels, l’article 885 O ter exclut désormais de la qualification de biens professionnels la fraction de la valeur des titres représentative des biens du patrimoine non professionnels logés dans les filiales et sous filiales.
Une clause de sauvegarde assortit toutefois ce nouveau dispositif : elle réserve le cas où le redevable, de bonne foi, n’est pas en mesure de disposer des informations nécessaires sur ces éléments. En pareille hypothèse, aucun rehaussement ne peut être opéré sur ce fondement.
Condition de rémunération
Pour que les titres de sociétés soumises à l’IS soient considérés comme des biens professionnels, le redevable doit notamment exercer dans l’entreprise des fonctions qui donnent lieu à une rémunération normale représentant plus de la moitié de ses revenus professionnels.
L’Administration avait admis que lorsque la rémunération du dirigeant est complétée par la perception de dividendes, ces derniers, s’ils ne peuvent être retenus pour apprécier le respect du caractère majoritaire de la rémunération, pouvaient, sous certaines conditions, être retenus pour apprécier son caractère normal.
L’article 885 O bis du CGI exclut désormais expressément les revenus imposés dans la catégorie des RCM. Le caractère normal et prépondérant de la rémunération par rapport aux revenus professionnels est apprécié de façon uniforme. Les revenus à retenir sont ceux soumis à l’IR dans la catégorie des TS, BIC, BA, BNC et revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 du CGI. Les jetons de présence imposés dans la catégorie des RCM sont écartés.
Afin de déterminer si la rémunération perçue par le redevable est en adéquation avec l’importance des fonctions effectivement exercées, le caractère normal de la rémunération est en outre apprécié au regard des rémunérations du même type versées au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou dans des entreprises similaires établies en France.
3- Introduction d’une clause anti-abus du plafonnement ISF
Le plafonnement de l’ISF (article 885 V bis du CGI) a pour but d’éviter que le total formé par l’ISF et l’IR n’excède 75% des revenus du redevable de l’année précédant celle d’imposition à l’ISF.
Un mécanisme anti-abus a été instauré à l’effet de déjouer certaines stratégies d’optimisation en matière de plafonnement consistant, via la capitalisation de dividendes dans un holding ( « cash box »), à minorer le montant des revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement.
A compter de l’ISF 2017, l’Administration est autorisée à rectifier le montant des revenus du redevable ayant servi de base au calcul du plafonnement : les revenus distribués à une société passible de l’IS contrôlée par le redevable sont réintégrés dans les revenus à prendre en compte dans le calcul du plafonnement pour la part correspondant à une diminution artificielle des revenus retenus.
Pour procéder à cette réintégration, l’Administration doit toutefois établir que l’existence de la société holding et le choix d’y recourir ont pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’ISF en bénéficiant d’un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet et de la finalité du plafonnement. Seule est réintégrée la part qui correspond à une diminution artificielle des revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement. Pour établir cette preuve, l’Administration devra analyser le train de vie du redevable et son mode de financement.
Sous peine de générer de nombreux contentieux, cette procédure de rectification méritera d’être rapidement précisée, l’Administration disposant d’une grande marge de manœuvre pour sa mise en œuvre. Cette procédure spécifique est indépendante de la procédure d’abus de droit (art. L.64 du LPF), mais laisse cependant la possibilité de saisine du comité de l’abus de droit fiscal en cas de litige.
Auteur
Chantal Jordan, avocat Counsel en droit des sociétés et en droit boursier.