Invention de salarié au sein d’un groupe de sociétés
Lorsqu’un salarié a occupé différents emplois au sein d’un groupe, quelles sont les sociétés qui peuvent être débitrices de la rémunération qui lui est due ?
Il est constant qu’une société peut être tenue de verser à l’un de ses salariés une rémunération supplémentaire ou un juste prix au titre d’une invention de mission. Cependant, il apparaît parfois délicat d’identifier les employeurs successifs d’un salarié lorsque ce dernier a exercé ses missions au sein de plusieurs sociétés d’un groupe.
Dans un arrêt du 9 décembre 2014 (n°13-16.559), la chambre commerciale de la Cour de cassation vient de se prononcer sur cette question.
En l’espèce M. X avait été recruté en 1985 en qualité de responsable chimie puis de directeur-adjoint R&D d’une société S, qui fut absorbée en 1991 par la société CT, elle-même joint-venture constituée par les sociétés N et B. Ces dernières ayant ultérieurement décidé de dissoudre la société CT, le salarié avait conclu en mars 1996 un nouveau contrat de travail avec une société suisse CI. A la suite de la réorganisation de la société CI, M. X avait été embauché en septembre 1996 par la société française B, filiale de BI, en qualité de vice-président global R&D. M. X avait participé à la réalisation de différentes inventions ayant donné lieu au dépôt d’un brevet français en 1987 par la société S et de trois brevets PCT (permettant d’obtenir une protection internationale) en 2007 par les sociétés BI et une filiale suisse BH.
La Cour de cassation approuve la décision des juges du fond en ce qu’ils ont débouté M. X de ses demandes contre les sociétés BI et BH : « le salarié n’est fondé à invoquer les droits qu’il tient de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle relatifs aux inventions de salarié qu’à l’encontre de son employeur, celui-ci ferait-il partie d’un groupe ». La simple appartenance à un groupe ne permet pas à un salarié d’agir contre une société dudit groupe si celle-ci n’est pas son employeur, quand bien même cette société lui aurait donné des instructions dans le cadre du dépôt de la demande des brevets PCT.
En revanche, elle censure la décision de la cour d’appel qui avait rejeté la demande de rémunération complémentaire formée par M. X contre la société B au titre du brevet français sans avoir recherché si le secteur d’activité dans lequel M. X exerçait son activité avait été transféré par la société S aux sociétés CT et CI puis, en dernier lieu, à la société B : en effet, un tel transfert aurait légitimé M. X à invoquer contre cette dernière les droits qu’il tenait des dispositions légales relatives aux inventions de salariés.
La Chambre commerciale fait ici application de la jurisprudence développée par la Chambre sociale de la Cour de cassation concernant le transfert d’une entité économique autonome qui permet de caractériser des situations de maintien de contrats de travail même en l’absence de lien de droit entre les employeurs successifs (comme c’est le cas, par exemple, en présence d’une opération d’apport partiel d’actif).
Auteur
Isabelle Prodhomme, avocat spécialisé en droit des sociétés, en droit boursier et en Private Equity.