Intermédiation : le mandataire doit toujours rendre compte de sa gestion
Le contrat de mandat, par lequel le mandant donne au mandataire le pouvoir de faire « quelque chose » en son nom et pour son compte (article 1984 du Code civil), trouve application tant sur le terrain du droit civil que sur le terrain du droit commercial.
Dans l’arrêt considéré (Cass. 1re civ., 12 novembre 2015, n°14-28.016), il s’agissait de relations familiales et non pas de distribution de produits. Mais le principe rappelé par cet arrêt est de portée générale.
En l’espèce, des parents avaient donné procuration à leur fils sur le compte bancaire qu’ils détenaient, afin que celui-ci procède au paiement des loyers, charges et frais afférents à un appartement dont ils étaient locataires. Un litige est survenu quant à l’utilisation des fonds placés sur ce compte et la mère a assigné son fils en remboursement des sommes qu’elle considérait avoir été détournées par lui.
La cour d’appel de Lyon a rejeté cette demande au motif principal que la mère n’établissait pas que la totalité des sommes avaient été prélevées par son fils à des fins personnelles.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation au double visa des articles 1993 et 1315 du Code civil qui posent le principe selon lequel il appartient au mandataire de rendre compte de sa gestion au mandant et non pas l’inverse.
En effet, les termes de l’article 1993 du Code civil sont clairs : « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant. »
Cette obligation de reddition de compte doit s’entendre tout d’abord au sens comptable. Le mandataire doit en effet fournir un compte de gestion, faisant apparaître tout ce qu’il a reçu en lieu et place du mandant mais aussi toutes les avances, frais, pertes ou honoraires qui lui sont dus. En l’espèce, ceci ne semblait pas faire défaut puisque les juges du fond étaient en mesure d’identifier les sommes qui avaient été retirées du compte bancaire par le mandataire.
Cependant, la reddition de compte implique également, sur le plan juridique, que le mandataire explique sa conduite, et en fournisse un compte rendu. La Cour de cassation traduit cette obligation juridique au plan procédural en recourant au fondement de l’article 1315 du Code civil qui énonce que celui qui se prétend libéré de son obligation doit le justifier. Elle casse donc l’arrêt d’appel au motif qu’il incombe au mandataire de justifier de l’utilisation des fonds reçus ou prélevés.
Cette décision s’inscrit ainsi fort pertinemment dans le prolongement d’une jurisprudence qui s’était déjà prononcée en ce sens (voir Cass. 1re civ., 2 février 1999, n°96-21.460 ; Cass. 1re civ., 30 novembre 2004, n°02-14.577).
Auteurs
Brigitte Gauclère, avocat Counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier.
Miléna Oliva, avocat en droit commercial et droit de la distribution.